Le rappeur estonien Tommy Cash a cartonné cet été avec le titre et le clip dérangeant de « Winaloto ». Entouré de gens à poil et jouant du tambour sur une rangée de culs, il a déjà conquis toute l’Europe de l’Est.
Tommy Cash est un mec difficile à attraper. Un jour à Tallinn, le lendemain à Moscou, puis en Ukraine trois jours plus tard, c’est finalement depuis la capitale estonienne, où il a grandi et façonné son personnage complètement barjo, qu’il répond à nos questions par téléphone. Entre chute du bloc soviétique,souvenir des quartiers junkies, équitation et sempiternelle comparaison Eminem.
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Tu as cartonné cet été avec Winaloto et ce clip complètement fou. Pourquoi ce désir d’être entouré de gens à poil ?
Tommy Cash – J’étais à Paris pour voir des potes, on est allé à la Fashion Week, et on a joué au Silencio. On avait trois ou quatre jours de libres, on s’et rendu au Louvre. J’ai eu un flash là-bas, je voulais faire un truc basé sur la peau humaine. C’est le point de départ.
Comment s’est passé le tournage ? Tu te sentais dans ton élément ?
Je me suis dit que c’était du boulot, que j’étais en train de bosser, comme un mec pourrait le faire dans son bureau. Tu te réveilles tôt, tu es concentré sur le clip à faire… Quand les culs sont contre mon visage, quand je tape sur les fesses comme sur des tambours, je ne pense pas aux chattes qui sont près de mon nez. Je vois ça comme de l’art. Peut-être parce qu’en tant qu’artiste, j’ai tellement de chattes à ma disposition que j’en ai plus rien à foutre (rires). Je me suis habitué, et je privilégie la partie artistique désormais. Je veux faire un beau produit, rien d’autre.
L’idée, c’est aussi parodier une certaine image du gangsta rap ? Les filles à poils et tous ces clichés ?
Dans toutes mes vidéos, on peut voir les clichés du rap détournés. Ça m’amuse, carrément. Baisons les stéréotypes, foutons des ongles en plastique aux rappeurs… C’est notre truc.
Tu t’es lassé de cette imagerie ?
Je n’aime pas la merde. Alors je joue avec. Il y a trop de twerk, putain.
À quoi ressemblait ton enfance en Estonie ?
Je suis né en 1991, l’année de l’explosion du bloc soviétique. J’étais un bébé libre ! Je ne peux pas dire que c’était dur, j’avais une famille aimante. Mais on vivait dans un coin à junkies, avec tout ce que ça sous-entend.
La fin du bloc soviétique a créé une ébullition artistique en Estonie ?
Oui, complètement. Avant, tu ne pouvais pas voyager ou écouter de musique occidentale. Les gens tournaient en rond musicalement, cinématographiquement. Il n’y avait pas de designers, c’était trop américain… ou allemand à la rigueur. Les Estoniens n’avaient accès à rien. Et puis, en 1991, les gens sont devenus libres, enfin.
Tu as grandi dans quel univers musical ?
Avec les sons américains. Mes parents écoutaient Tom Jones, mais aussi Scorpions. On avait beaucoup de bandes originales de films. Et la première chanson de rap que j’ai entendu, c’était Gangster’s Paradise de Coolio. Ça m’a fait grandir. Et puis les premiers Eminem, évidemment. Ce mec a eu une importance capitale dans ma vie. Il est d’ailleurs dans la vie de tous les kids des années 2000. À cette époque, si tu faisais quelque chose de choquant, les gens te voyaient comme lui. Il symbolisait la désinvolture. C’était mondial.
https://www.youtube.com/watch?v=N6voHeEa3ig
Tu as commencé la danse ensuite c’est bien ça ?
Oui, c’est à ce moment que j’ai découvert la culture hip-hop. J’avais 15 ans, je ressentais le besoin de me défouler à Tallinn. On allait à la salle de gym avec mes potes. J’y allais souvent seul aussi. On fumait, on dansait, en se basant sur des vidéos Youtube. J’avais un prof au départ, puis j’ai continué seul.
On n’a pas franchement l’habitude de parler à des musiciens estoniens. À quoi ressemble la scène musicale là-bas ?
Je dirais que c’est très passéiste, qu’il n’y a pas beaucoup d’avant-garde sur le plan de la musique. Peut-être Kerli, qui était très populaire à une époque. Il ne se passe plus grand chose pour être honnête. Mais les jeunes écoutent pas mal de trucs différents. Les plus cool écoutent du rap, ou de l’EDM (rires).
Et la scène rap estonienne, elle ressemble à quoi ?
C’est difficile à dire. Disons que le genre a commencé à percer en 2001. Je ne veux pas être trop dur, mais la scène rap et moi on n’est pas sur la même longueur d’onde. Moi et mes potes, on est dans l’expérimentation, dans le désir de construire quelque chose de nouveau, qui n’a jamais été réalisé. Je pense que les autres ne réfléchissent pas du tout comme cela. Je ne travaille d’ailleurs pas avec eux. Je dirais même que je me sens plus proche des mecs de Moscou. Ils sont plus ancrés dans le futur.
Tu as un univers vestimentaire très singulier aussi. Tu designes tes fringues ?
Oui, on vient de débuter des projets dans ce domaine, mais je me concentre surtout sur les vidéos, les concerts et la musique en ce moment. J’attends l’inspiration. Il y a beaucoup de jeunes fashion designers d’Europe de l’Est très talentueux. Je crois que dans quelques années, l’Est sera le nouveau Ouest. Parce qu’ils ont été nourris aux films occidentaux, aux films sur New York. Maintenant, les gens peuvent tout connaître d’un lieu, sans forcément s’y rendre.
On serait tenté de te ranger dans la catégorie white trash. Que penses-tu de ce terme ?
J’adore les trucs trashy. Trash is cool. La white trash naît de la pauvreté, celle qui te pousse à être stylé tout de même. Tu n’as pas besoin d’avoir des fringues de designers des bagnoles de luxe pour être cool …
Tu es un gros fan de Kanye West non ?
Oui. Quand tu l’écoutes, surtout ses premiers albums, tu as tout de suite l’impression d’entendre un type qui vise les étoiles. C’est fascinant, il te donne l’impression que tout est faisable. Il m’a tellement inspiré, toujours poussé à m’améliorer. Il est marié à la femme la plus connue au monde et regarde ce qu’il fait dans la mode. Il a commencé il y a un peu plus de deux ans, tout le monde lui est tombé dessus. Mais c’est un génie. Il est encore intéressant, il expérimente toujours, c’est cool. Je préfère ces débuts, mais je veux encore lui ressembler.
Comment les gens perçoivent ta musique en Estonie ?
Je suis une superstar du hip-hop là-bas (rires). On est idolâtré !
Photo Facebook Tommy Cash
J’ai vu des photos de toi sur un cheval en train de prendre un McDonald au drive. C’est quoi ce délire ?
Ma copine est une cavalière professionnelle. Je suis tombé amoureux d’elle et de son cheval. J’ai commencé à monter moi-même, et pour cette photo, je voulais expliciter mon amour pour les burgers et les chevaux. C’est réussi. Pendant le shooting, les gens étaient sur le cul. On voit d’ailleurs un mec qui nous hurle dessus depuis sa voiture parce qu’il ne peut pas avancer pour prendre son McDo. C’était fun.
Tommy Cash sera en concert à Paris le 10 novembre, au Badaboum.
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