Cette nouvelle adaptation du roman d’Ann Rice, cette fois sous forme de série, fera-t-elle renaître le mythe de ses cendres ou va-t-elle simplement l’épuiser à force de réincarnations ?
C’est une diffusion à l’ancienne, qui rendrait presque nostalgique d’une ère où nous attendions les séries plus que de raison. Entretien avec un vampire pointe en effet son nez en France, plus d’un an et demi après son arrivée aux États-Unis. Là-bas, la deuxième saison vient même de débuter, suivie par des fans excité·es. Une nouvelle adaptation du romans d’Ann Rice publié en 1976, trente ans après le film avec Brad Pitt, Tom Cruise et Kirsten Dunst, qui avait fait frissonner les années 1990, était-elle nécessaire ?
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Trente ans, c’est beaucoup pour en revenir au même point, signe d’une industrie contemporaine à la fois sûre de sa force – il y a ici les moyens financiers d’une série en costumes teintée de fantastique – et en panne d’idées neuves, à la recherche de la première “IP” (Propriété Intellectuelle) venue. D’ailleurs, d’autres séries inspirées de la romancière Ann Rice sont prévues. On pourrait bailler.
Que reste-t-il de l’original ?
Avec l’intéressant scénariste Rolin Jones (Friday Night Lights, notamment) à sa tête, cet Entretien avec un vampire nouvelle peau ne s’en sort pourtant pas si mal, d’abord parce qu’elle regarde le travail d’Ann Rice droit dans les yeux, en tirant la sève érotique et politique au-delà du simple sous-texte. L’histoire ? Un vampire âgé de 145 ans, Louis de Pointe du Lac (Jacob Anderson), raconte sa vie à un journaliste après un premier entretien quarante-neuf années auparavant.
Il revient sur ses débuts difficiles dans le “métier”, au début du XXe siècle, à la Nouvelle-Orléans. On le voit rencontrer Lestat de Lioncourt (Sam Reid), celui qui a fait de lui la personne qu’il est aujourd’hui en le mordant un peu trop fort. Le premier est un homme noir créole qui tient une maison close et lutte contre le racisme ambiant, le second est un genre de dandy aux origines françaises, blanc aux cheveux blonds, bien décidé à vivre une histoire folle.
Réincarnée dans son temps
Contrairement au film de Neil Jordan, la part homosexuelle de leur duo – et la bisexualité frontale de Lestat – n’a rien d’un arrière-plan chuchoté et tout d’un véritable sujet, avec ce qu’il faut de chair et une tension physique placée très haut. Dans le même temps, et sans que les sujets ne soient liés par nature dans le récit, la relation Lestat/Louis est montrée comme peut-être irrésistible, mais surtout abusive.
Le sens moral léger de Lestat se déploie dans un contexte général de racisme, au cœur de la société et à l’intérieur de leur relation. Ils ne vivent pas dans le même monde, même s’ils partagent beaucoup. Leur intimité est viscéralement liée aux mouvements du monde et de la société. De ce point de vue, Entretien avec un vampire trouve une résonance toute contemporaine avec des enjeux dont les séries et les films s’emparent désormais massivement.
Mais, elle le fait de la manière la plus naturelle qui soit, avec un certain style et une foi dans la fiction qui font plaisir à voir. Ambitieuse, souvent intense, la série n’a peut-être pas la grandeur des évidences, mais elle travaille à rendre complexe ce qu’elle pourrait sans cesse simplifier. C’est déjà beaucoup.
Entretien avec un vampire de Rolin Jones, avec Jacob Anderson et Sam Reid. Sur Paramount +.
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