Une chercheuse indépendante française, Odile Fillod, a imprimé en 3D, en taille réelle, un clitoris. Un objet d’éducation sexuelle, mais pas seulement.
1844 : le médecin allemand Georg Ludwig Kobelt décrit le clitoris comme un organe complexe, relié par des bulbes via un réseau vasculaire. 1998 : l’urologue australienne Helen O’Connell publie une étude précise sur l’anatomie du clitoris, et démontre qu’il a la forme d’une poire, qu’il est dix fois plus gros que la plupart d’entre nous ne l’imaginait et deux fois plus que les illustrations d’experts ne le figuraient. 2016 : on peut, grâce à la chercheuse française Odile Fillod, imprimer en 3D ce clitoris, pour mieux en appréhender sa taille, sa forme, et son fonctionnement.
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Tout commence au début de l’année 2016. Cette chercheuse indépendante travaille, pour l’association v.ideaux, à la création de supports pédagogiques qui traiteraient de manière antisexiste des thèmes relatifs au sexe. Pour une vidéo sur le clitoris, elle se dit qu’elle a besoin de l’avoir en main, pour donner une idée de sa taille. Elle demande alors une amie artiste, Marie Docher, de lui faire un modèle en cire. Celle-ci lui suggère plutôt de recourir plutôt à l’impression 3D, afin de pouvoir le reproduire au besoin. Quelques semaines plus tard, avec l’aide du Carrefour numérique de la Cité des sciences, nait ce clitoris en 3D, de 10 cm (la taille moyenne), avec son gland, ses bulbes, et ses racines. On peut l’observer dans ce making of qu’a réalisé Marie Docher.
https://vimeo.com/166628201.
Avec ce projet, Odile Fillod espère combler un grand vide éducatif : « Le clitoris est absent de nombreux manuels de SVT censés présenter les appareils génitaux masculin et féminin, et il n’est jamais représenté en entier dans ces manuels. On croit généralement qu’il s’agit d’une sorte de petit haricot d’1 ou 2 cm de long tout au plus ». Le modèle 3D étant en open source, n’importe qui possédant une imprimante 3D peut, chez soi fabriquer son clitoris en PLA (acide polylactique), ou dans une autre matière.
Odile Fillod espère que les enseignants de SVT et les éducateurs à la sexualité vont s’en servir à des fins pédagogiques, pour mettre en place une éducation sexuelle digne de ce nom. Elle cite une enquête faite en 2009 auprès des élèves de 4ème d’un collège de Montpellier, qui a montré que moins d’une fille sur deux savait qu’elle avait un clitoris… Expliquer aux collégiens(-nnes) et lycéens(-nnes) que les femmes n’ont pas entre les jambes un simple « petit bouton » et une cavité appelée vagin peut avoir un impact sur leur sexualité présente ou future. Odile Fillod insiste sur le fait que cette objet 3D permet de comprendre l’homologie fondamentale du clitoris avec le pénis, et de changer la représentation de leur sexualité :
« Les femmes doivent comprendre ce qui leur donne du plaisir et pourquoi, explorer leurs potentialités orgasmiques, ne pas imaginer qu’elles sont frigides ou anormales parce que le coït vaginal ne les fait pas jouir —ce qui est assez normal compte tenu de la position anatomique du clitoris— ou ne pas imaginer au contraire qu’il est normal qu’elles aient peu de plaisir car elles ne sont pas dotées d’un organe sexuel susceptible de leur procurer des sensations équivalentes à celles procurées par le pénis chez un homme ».
Au delà même de l’éducation sexuelle et de l’éducation au plaisir, ce clitoris en 3D possède une forte dimension symbolique et politique. La connaissance du clitoris a des impacts certes sur la sexualité, mais également sur la société explique Fillod :
« Connaître le clitoris, son fonctionnement, en avoir une image claire aide les femmes à se constituer comme sujets actifs de leur vie sexuelle, plutôt que comme objets passifs du désir d’autrui. Or, ce schéma sexuel de l’homme actif et qui a quelque-chose entre les jambes versus de la femme passive et à qui il manque ce « quelque-chose » est au cœur des représentations qui contribuent à maintenir les inégalités entre femmes et hommes ».
La presse française, européenne et mondiale (Le Figaro, El Pais, De Standaard, NYmag, Kombini Mexique, Esquire, etc) se passionne, s’excite même, pour ce projet. Suite à un article dans The Guardian, daté du 15 août, titré « How a 3D clitoris will help teach French schoolchildren about sex », plusieurs médias américains ont annoncé qu’en France, à partir de la rentrée, le clitoris allait faire l’objet d’un enseignement dans toutes les écoles, en utilisant ce modèle 3D. On n’en est pas encore là, a rétorqué Odile Fillod sur Facebook, démentant l’information du Guardian. Mais qui sait, peut-être que ce fantasme nord-américain sur l’extraordinaire avancement de la France en matière d’éducation à la sexualité fera bouger le Ministère de l’Education Nationale…
Si l’impression 3D est de plus en plus impressionnante -on peut aujourd’hui imprimer chez soi des sabres lasers Star Wars (de 120 cm avec le manche), et à grande échelle -des prototypes de maisons et de voitures sont en cours— cet objet de 10 cm risque de changer bien des mentalités.
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