A l’heure des révélations de l’association L214 sur les abattoirs et les conditions d’élevage intensif, un Français s’inscrit dans la lignée des docu fictions écolos. Son film, Faeryland, promeut le veganisme.
Un burger vegan, c’est possible. Un tournage vegan, c’est plus dur. En 2012, Magà Ettori a une révélation : il veut partager sa révolution veggie.
Il en a fait non pas un documentaire – déjà vu –, mais un film au parfum d’héroic fantasy, un ovni cinématographique. Le pitch ? En 2050, l’homme est un surprédateur qui détruit les espèces et mutile la nature. Un virus menace d’anéantir toutes formes de vies sur Faeryland, avatar de la terre. Pour pouvoir sauver la planète, le druide Cathbad doit retrouver le Graal. De la survie de l’animal dépendra la survie de l’homme. Faeryland est une fiction qui inclut de nombreuses séquences de reportages. Lors du tournage, les équipes de Magà se sont introduites dans des usines à fourrure en Chine, des laboratoires de vivisection en Allemagne, des usines de plumage d’oies vivantes en Turquie, un élevage de visons en Finlande, dans des corridas à Nîmes… Les cameramens sont entrés « par malice, grâce à des contacts qui ont pris le risque de les infiltrer », raconte le réalisateur. Avant la cause animale, il balançait sur la mafia corse. Faeryland est son 50e film.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’enquête n’est pas de tout repos. Magà contacte des associations anti spécistes, animalistes et vegan des cinq continents: « Je voulais écrire une histoire qui suscite une empathie pour les animaux, sans tomber dans le trash. » Le réalisateur de 44 ans est né à Ajaccio, dans un milieu rural où, le dimanche, on chasse. A Marseille en 2012, un partisan de la cause animale, membre d’une asso allemande, l’interpelle après une intervention sur les représentations du monde vivant au cinéma. Basé à Augsburg, l’association Soko Tierschutz lui ouvre ses archives : « Vivisection, fourrures, abattoirs… j’ai eu droit à tout ». Le bon vivant frise la schizophrénie. « Je caresse mon chat mais je mange un steak, pourquoi ? » Nourriture, vêtements, philosophie : Magà devient vegan.
Quand vous faîtes un film gay,
toute l’équipe n’est pas gay !
« Le veganisme est un choix de vie éthique », explique-t-il. Sur le plateau de Faeryland, tout a été pensé pour être le plus végétal possible: costumes, maquillage, décors. Les fourrures des druides, déesses et elfes sont fausses; exit les chaussures assemblées à base de colle de poisson, les accessoires en cuir sont d’origine végétale. Pourtant, difficile de faire du tout vegan. Le matériel de cinéma et les moyens de transport sont aussi polluants que d’ordinaire, et l’équipe n’est pas constituée que de mangeurs de tofu. « Quand j’ai produit ou écrit des films qui évoquaient l’homosexualité, toute l’équipe n’était pas gay ! » Magà insiste: le veganisme est un idéal à atteindre, pas une secte. La sensibilisation commence à la cantine, entre deux prises. Plats végétaliens à volonté. Et ça marche : « Depuis, le chef-op ne mange plus de viande, ni de poisson », précise Magà.
La plupart des plans avec les animaux sont tournés en Mayenne, sur les terres du Refuge de l’Arche, une association qui récupère des animaux blessés (du lion au kangourou), les soigne et les relâche dans leur milieu naturel, quand c’est possible. Un lieu estimé des militants vegan. « Là bas, on a filmé des ratons laveurs: ce sont des pots de colle hyper affectueux », raconte Magà. Dans le film, l’un d’eux se fait briser le crâne, lors une séquence volée dans une usine à fourrures chinoise. Les figurants : une centaine de militants de la cause animale. Surprise : le chanteur Yves Duteil joue le conteur.
Meilleur film animalier à la cérémonie des Médors
Le film a été diffusé trois fois à Paris: en septembre lors d’une marche contre la vivisection ; pendant la Cop21 en novembre ; puis au salon Veggieworld, au Centquatre, en avril. Sur les réseaux sociaux, la communauté veggie s’enflamme: “#Faeryland, premier film vegan !”, “Enfin du cinéma vegan !”, “Un film porte étendard de la génération vegan”, “Un film vegan friendly”, “With Faeryland #2016yearofvegan”. Le 6 juin, il a reçu le prix du Meilleur film animalier à la cérémonie des Médors, qui récompense les acteurs du « monde animaliste ».
« C’est la première fois que les problématiques de la protection animale sont abordées dans un univers fictif et orinique, explique Elisa Gorins, cofondatrice de la manifestation. Le discours est vegan, mais ne passe jamais pour de la propagande lourde et glauque”.
#Faeryland #SiLesFilmsEtaientVegans Ah ben il existe? Les films sont déjà #vegan ?? @ETTORI_MAGA pic.twitter.com/BcEEea3Kgu
— Coco Chanel (@Macaron_1971) 4 avril 2016
L’équipe sillonne la France pour des projections dans des salles indépendantes: « Le film répond à une forte demande ! » raconte Magà. Des vegan, des végétariens, des animalistes, mais aussi des personnes irritées par la succession des scandales alimentaires. « Nous sommes heureux d’ouvrir la voie, mais rien n’est gagné », ajoute-t-il. La sortie officielle est prévue le 21 septembre, mais la bataille de la distribution commence tout juste pour un film qui veut prouver qu’un omnivore à vélo pollue plus qu’un vegan en 4×4.
{"type":"Banniere-Basse"}