Lancé en 2009, Slate.fr cherche des solutions éditoriales et structurelles pour se relancer. A sa tête, le discret Jean-Marie Pottier évoque l’avenir du pure player, qui pourrait devenir – en petite partie – payant.
Son visage et son nom ne vous disent sans doute rien. Contrairement à Edwy Plenel (et sa célèbre moustache) ou Christophe Barbier (et son écharpe rouge), Jean-Marie Pottier, petites lunettes sur un visage effacé, ne ressemble pas vraiment au patron de presse qui squatte les plateaux des chaînes d’info.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Lorsqu’on le rencontre dans un café branché du XIe arrondissement, personne ne fait mine de se retourner. C’est pourtant sur les épaules de ce Breton de 34 ans que repose l’avenir de Slate.fr, l’un des derniers pure players français, dont il a été nommé rédacteur en chef en 2014. Formé à l’ESJ Lille, il fait partie de la première génération de journalistes web. “A l’époque, internet et presse écrite n’allaient pas encore forcément de pair”, s’amuse Vincent Glad, un copain de promo.
Slate fait figure d’ovni dans le paysage français
“Il ne fait pas du journalisme pour avoir son nom en bas de l’article”, résume Emile Josselin (ancien responsable web du PS), autre camarade de promo. Johan Hufnagel, son prédécesseur chez Slate, aujourd’hui numéro 2 de Libération, complète : “C’est quelqu’un d’extrêmement loyal, doté d’une culture encyclopédique – du foot à la pop indé des années 1980.” Il fallait bien toutes ces qualités pour reprendre les rênes d’un site qui, malgré une moyenne de 1,5 million de visiteurs uniques par mois, navigue à vue depuis sa création en 2009.
Dans le paysage du web français, Slate a toujours fait figure d’ovni. Lancé par Jean-Marie Colombani, le petit frère de Slate.com a d’abord été composé d’anciens briscards du Monde et de jeunes forçats du web. Pour rebondir davantage sur les “trends du moment”, Pottier s’est appuyé sur une équipe rajeunie et sur des contributions de blogueurs (comme pour l’excellente rubrique “C’est compliqué”).
“On se demande constamment vers où on veut aller, explique-t-il. Slate.com a eu la même réflexion vers 2009. Pour répondre à la menace de l’émergence de nouveaux acteurs tels que Gawker et le HuffPost, ils n’ont pas hésité à embaucher massivement et à créer des chaînes verticales en culture ou en tech.”
Un virage en partie payant ?
Depuis deux ans, Slate.fr tire toutes les ficelles qu’offre le web pour proposer une offre éditoriale différente : un agrégateur de contenus avec Reader, une nouvelle newsletter ou, plus récemment, le développement de podcasts. Jean-Marie Pottier évoque aussi la possibilité de lancer une production de vidéos en interne, “sur le modèle des Supercuts publiés sur Slate.com”.
L’autre défi est financier : l’équilibre budgétaire promis pour 2012 a pris du retard. Dans un marché publicitaire moribond sur la toile, les marges de manœuvre sont limitées. Jean-Marie Pottier le reconnaît : “Nous restons un petit acteur. Même en passant des contrats avec des régies externes, nous sommes rarement prioritaires.”
Pour tenter d’y pallier, Slate a créé sa propre régie pub et se prépare même à un virage à 180 degrés. A la fin des années 2000, le modèle tout payant de Mediapart, “ce journalisme papier sur le web”, était la cible de gentilles moqueries au sein de la rédaction. Aujourd’hui, Slate réfléchit pourtant à adopter ce modèle. “On ne s’interdit pas un jour de lancer une plate-forme payante”, concède-t-il, tout en prévenant : “Mais on ne fera pas comme Mediapart ou LesJours, à savoir du 100 % payant.”
{"type":"Banniere-Basse"}