Joie et amour : les synthés sont de retour chez les extravagants Américains.
On ne sait toujours pas très bien ce qu’il s’est passé entre Stephin Merritt et ses synthés il y a presque dix ans, mais on imagine volontiers une vilaine et violente dispute. Si passionnelle que, depuis, le génial songwriter s’entêtait à ne plus mettre le moindre clavier dans ses disques. Pour compenser, l’Américain s’était lancé dans une série d’albums à thèmes : après i (2004), dont les quatorze titres commençaient donc par la lettre “i”, étaient sortis Distortion, dans lequel toutes les mélodies étaient passées à la moulinette de pédales de distorsion en hommage au Psychocandy de Jesus And Mary Chain, et Realism, dernier disque de la trilogie keyboard-free, qui n’avait de réel que le son, presque totalement acoustique.
Deux ans après cette dernière publication, la tête pensante (et un peu vrillée) des Magnetic Fields se serait-elle réconciliée avec les touches de son clavier ? Love at the Bottom of the Sea signe la grande renaissance des synthétiseurs et un certain retour en arrière vers le son qui a fait connaître le groupe dans les années 90. Si l’on retrouve bien les nappes mélodiques électriques, sombres et planantes de leurs débuts (Infatuation, I’ve Run away to Join the Fairies), ce dixième album, bien plus festif voire comique que ses prédécesseurs, voit surtout le groupe enfiler les costumes bariolés d’Of Montreal (la grandiloquence en moins).
Merritt possède même la voix d’un Kevin Barnes sous hélium (la justesse en plus) sur une poignées de titres à l’euphorie contagieuse (Your Girlfriend’s Face ou God Want Us to Wait, The Horrible Party). On danse, on convulse à l’écoute de ces pop-songs à paillettes, et on pardonne facilement à la troupe de parfois frôler le grotesque : l’improbable Going Back to the Country, générique évident des Bisounours sous acide, est peut-être un peu kitsch, il n’en donne pas moins envie d’être heureux pour la vie.