L’ancien ministre de la Culture est mort jeudi 21 mars des suites d’un cancer. Il avait 76 ans.
Comme tous les personnages publics qui traversent le temps, au gré des circonstances, des moments d’exaltation et d’égarement, Frédéric Mitterrand, qui vient de mourir d’un cancer à l’âge de 76 ans, active des souvenirs multiples. Ceux qui le rattachent précisément à une part de nos vies, comme si sa présence continue dans les postes de télé et de radio avait accompagné les années qui défilent, en scandant leurs étapes de manière indicible. Se souvenir aujourd’hui de lui donnerait même envie de mimer son écriture pétrie de nostalgie un peu surjouée et d’admiration pour celles et ceux dont il dressait les portraits, y compris des familles royales pas toujours dignes d’intérêt aux yeux de ses admirateur·rices qui préféraient ses goûts cinéphiles (ou de Brad Pitt, sujet de sa dernière bio parue en 2023).
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Du cinéma à la littérature, de la télévision à la radio, de la production à la direction d’institutions culturelles et audiovisuelles, de l’Entrepôt à la Villa Médicis, du ministère de la Culture à l’Académie des beaux-arts…, Frédéric Mitterrand a joué sur de nombreux tableaux, porté par une énergie d’esthète et de girouette politique, sans que l’on sache toujours s’il y trouvait réellement la source d’un accomplissement existentiel.
“Bonsouaaar”
Pour construire sa popularité, il avait misé sur son empathie naturelle pour les stars du grand écran et sur la sincérité de son amour des films et des cinéastes, qu’il ne cessa jamais de vouloir transmettre à tous les publics, assumant sa cinéphilie (Duras, Eustache, Antonioni, Bergman, Ozu, Pasolini…). Il se mit au service de ce goût de la transmission à travers son activité d’exploitant de salles (l’aventure de L’Olympic, de L’Entrepôt et des Trois Luxembourg, où des générations de cinéphiles apprirent à former leur regard dans les années 1970-1080), et ses célèbres émissions de télé, où ses “Bonsouaaar” sont restés comme le signe distinctif du personnage, à la fois apprêté et nu, qu’il était devenu, peut-être malgré lui. Il mesurait l’impact de l’image ; il sut en faire bon usage.
À côté de la mythique émission de cinéma à la télé, Cinéma, Cinémas de Claude Boujut, Claude Ventura et Anne Andreu, diffusée au début des années 1980 sur Antenne 2, son émission Étoiles et toiles, plus populaire et ajustée aux codes d’une émission de divertissement, le rendit incontournable, lui offrit cette image de passeur chic. Qu’il poursuivra plus tard sur le service public, avec notamment Du côté de chez Fred.
Réalisateur, journaliste et animateur
Son premier film comme réalisateur, Lettres d’amour en Somalie, sorti en 1981 (l’année du sacre de son oncle à l’Élysée) le fit entrer dans la catégorie prisée des cinéastes de l’intime, puisant dans la forme de la caméra-stylo. Outre ces casquettes de réalisateur, journaliste et d’animateur, Frédéric Mitterrand se sera frotté à l’exercice du pouvoir politique, de postes de direction de chaînes (TV5, entre 2003 et 2005), de lieux culturels (la Villa Médicis en 2008), du CNC, et surtout du ministère de la Culture, où le président Sarkozy le nomma en juin 2009, comme une prise symbolique caractérisée d’un homme de droite trop fier de prendre à contre-pied la gauche culturelle. Beaucoup, dans ce camp-là, restèrent coi·tes de la décision assumée de l’élu de servir la cause d’un président alors voué aux gémonies.
Frédéric Mitterrand s’en moquait, mais, comme tous les ministres depuis la fin des années Jack Lang, il se prit les pieds dans les tapis glissants du poste, sans laisser un héritage fécond.
En 2009, son livre La Mauvaise Vie (Robert Laffont, 2005) était ressorti sur la place publique. À l’intérieur, des passages où Frédéric Mitterrand décrivait son attraction tarifée pour de jeunes garçons. Accusé de pédocriminalité, celui qui défendait alors Polanski, était venu s’en expliquer sur le plateau de TF1, démentant avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs.
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