Musclé par de longues tournées des deux côtés de l’Atlantique, Revolver revient avec un album puissant, où la pop de chambre côtoie désormais les batteries et l’indie-rock. Critique.
Dès les premières chroniques, on avait assis Revolver sur la dernière branche de l’arbre généalogique de Simon & Garfunkel. On retrouvait chez le trio français la même science des harmonies vocales et l’équilibre savant entre songwriting pop et musique classique. Pourtant, le lien de parenté avec le duo américain est d’abord à chercher du côté du sound of silence. Conçues dans leurs chambres d’étudiants, les premières chansons de Revolver avaient pour consigne dominante celle de ne pas faire de bruit. “Au départ, notre objectif était de jouer de la musique sans pour autant déranger les voisins… Tout tournait autour du silence ! C’est en grande partie de cette contrainte-là qu’est né le concept de pop de chambre.”
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Pauvres voisins : derrière leurs murs et leur double vitrage, les colocataires ont manqué l’occasion d’entendre les esquisses de ce qui devint quelques mois plus tard, en 2010, le plus éblouissant recueil de pop-songs écrites en France. Parce qu’elle a les yeux revolver, mais Revolver, eux, ont des oreilles : affûtées par des années de conservatoire classique, aiguisées par des heures passées à apprendre de la pop merveilleuse d’Elliott Smith et de la musique d’Henry Purcell. Sur le stupéfiant Music for a While, les trois Français affichaient ainsi une douzaine de chansons en or, écrites et chantées avec une virtuosité et une précaution devenues rares dans l’ère post-Myspace. “On a rapidement eu cette image de garçons un peu sages, un peu lisses. On jouait sans batterie, on était timides. On n’avait jamais vraiment fait de concerts, à part chez des amis. On avait beaucoup à apprendre. On est un groupe différent aujourd’hui.” Deux années se sont chargées de rendre le groupe plus résistant. Quatre semestres riches en événements, parmi lesquels on citera deux longues tournées aux Etats-Unis, une sélection aux Victoires de la musique, près de deux cents concerts, une grippe A, une électrocution sur scène, un passage à South by Southwest… Et pas moins de 100 000 albums vendus dans un contexte de crise du disque terrible.
“On ne s’attendait pas du tout à ça. Passer à la radio, c’était déjà inespéré. Le succès rapide du single nous a épargné la phase de galère où un groupe doit convaincre car personne ne le connaît. Les gens sont venus nous voir sur scène rapidement, et on s’est aperçu qu’on pouvait faire danser le public, ce à quoi on n’avait pas pense un seul instant. On a eu envie d’écrire de nouvelles chansons dans ce sens.”Fidèle à l’esprit de ses commencements, c’est au producteur Julien Delfaud (Phoenix, Keren Ann…), déjà aux manettes de Music for a While, que le groupe a confié les commandes de Let Go. Puis, après avoir pris soin de s’offrir, pendant le mercato pop, les services d’un batteur (Maxime Garoute, aperçu chez NTM ou… Johnny), Revolver s’est libéré de la sempiternelle pression du deuxième album. “On savait très bien qu’il y avait un enjeu, qu’on nous attendait au tournant. On a décidé de s’affranchir de cette tension en assumant d’aller loin dans les caractères de chaque chanson. On ne cherchait pas l’unité mais à lâcher prise, d’où le titre de l’album.”
Un cahier des charges qui explique la souplesse et les acrobaties de Let Go, qui pirouette entre indie-rock sapé pour la scène et les radios (Wind Song, Let’s Get Together), folk mille-feuille hérité de Crosby Stills & Nash (Losing You) et ballades de crooner à la Rick Nelson (le formidable slow Still qu’illustre, sur le net, une vidéo réunissant des extraits de Seize bougies pour Sam, le teen-movie de John Hughes). Au beau milieu de cette toile polychrome se cachent My Lady I, petite perle de pop féerique dont n’aurait pas rougi McCartney, et The Letter, cascade mélodique aux eaux cristallines. Si l’ensemble de Let Go lui permet de passer haut la main l’épreuve du retour, c’est quand Revolver privilégie cette sobriété et cette virtuosité harmonique-là qu’il continue d’écrire les plus beaux chapitres de son histoire et de squatter les hauteurs du royaume pop français.
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