Le temps d’une nuit au Louvre, Aurélien Bellanger se souvient de sa jeunesse exaltée.
Parler de soi en saluant un autre, surtout s’il a le visage du génie : du philosophe Walter Benjamin (Le Vingtième siècle) au peintre Nicolas Poussin (1594-1665), sujet de son nouveau récit Le Musée de ma jeunesse, Aurélien Bellanger s’impose comme le maître d’un genre littéraire étrange : la dérive biographique, consistant à détourner un exercice d’admiration vers un contre-récit de soi. Une introspection logée au cœur d’une réflexion sur un artiste qui serait la source de propre envol.
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Bellanger n’a jamais cessé de regarder les peintures de Poussin, sans ignorer “qu’il était le classique par excellence, un peintre rationnel, prudent, sévère et passablement ennuyeux”. Dès ses 19 ans, il se rendait un dimanche par mois au Louvre, depuis sa banlieue en RER, pour contempler ses toiles. Au-delà de cette symétrie entre deux attractions pour un peintre académique et une ville fantasmée, Bellanger a vite perçu au cœur des toiles la présence d’une “vie vraiment bonne”, comme l’incarne une “figure qui interroge, au bord du fleuve héraclitéen, l’impermanence des choses”. “Devenir philosophe, c’était vivre dans un tableau de Poussin”, se disait-il. À défaut d’y vivre, Bellanger s’inspira de ses allégories pour s’inventer un mode d’existence intensifié par le goût du beau, le désir de tout comprendre, sans douter jamais de rien.
Nuit au musée
Le récit de sa nuit au musée lui donne cette occasion de revenir sur ses années de formation dont la plénitude existentielle formait l’horizon rêvé. Le texte joue sur cet écart entre les souvenirs d’exaltations juvéniles et la jeunesse secrète de Poussin, dont on ne sait rien, en dehors de ce qu’a imaginé Balzac dans Le Chef-d’œuvre inconnu. Non sans malice, Bellanger exhume ici ses “chefs-d’œuvre inconnus” à lui : quelques romans cachés et un journal vidéo de sa vie parisienne débutante.
Devenu enfin l’écrivain qu’il avait rêvé d’être, il n’exclut pas, de manière honnête, que l’objet secret de ses romans “de la maturité” soit d’attirer suffisamment l’attention sur lui “pour qu’on publie un jour, de façon posthume”, ses courts romans ratés. Dans un attachement romantique à la mythologie des commencements, il confie : “Je voue encore un culte inavouable au génie de jeunesse”. Roman d’une éducation sentimentale moderne autant qu’éloge d’une fidélité à un artiste classique, son Musée de la jeunesse a la délicatesse de conserver la joie des premiers élans, et de rester collé au “cœur inassouvi” de la jeunesse, dont la littérature, parfois, conjure l’éclipse.
Le Musée de la jeunesse (Stock, collection “Ma nuit au musée”) 152 p, 19 euros. En librairie le 6 mars.
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