Après avoir écrit sur la folie de son frère dans “Wonder Landes”, l’auteur explore l’histoire familiale de sa compagne. Et c’est le douloureux passé de la Corée du Sud qui surgit.
Un jour, Minkyung a avoué avoir un “oncle congelé”. Alexandre Labruffe a demandé à sa compagne de répéter. La jeune femme, née en Corée du Sud, a alors raconté l’étrange histoire de cet homme qui, émigré à Toronto, s’est échappé d’un hôpital psychiatrique où il avait été interné et a été retrouvé plusieurs heures plus tard, mort de froid. Le drame serait à l’origine des problèmes psychiatriques du père de Minkyung. Durant plusieurs années, l’écrivain a été obsédé par cette histoire.
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Ce livre est la chronique de son enquête pour retrouver les traces du disparu, et le récit assez drolatique de ses conversations sans fin avec Minkyung, lorsqu’il tente de percer les non-dits familiaux et qu’elle lui résiste. L’auteur aime jouer avec humour sur les registres de langues et les genres littéraires, aussi son roman noir est jalonné de délicats haïkus et parsemé de néologismes ou d’expressions inventives qui émaillent les propos de sa compagne – “le diable est dans le bétail”.
Histoire de famille
Patiemment, Labruffe démêle une histoire complexe, démarrée dès la fuite du grand-père en Corée, pour tenter l’aventure en Chine, avant de revenir, des années plus tard, forcer ses fils à partir pour le Canada. L’auteur observe les traumatismes qui peuvent entourer un exil et leurs répercussions sur les membres d’une même famille, dont la mémoire sera à jamais trouée de silences.
Et le livre prend une dimension supplémentaire quand Labruffe inscrit son propos dans un contexte plus large. Il rappelle le passé tragique d’un pays colonisé par le Japon, puis frappé par une dictature, remarquant que dans les années 1970 près de 20 000 Coréen·nes ont émigré au Canada, et que dans les années 1980 les hôpitaux psychiatriques débordaient. Ainsi, il inscrit l’histoire de Minkjung dans une histoire collective et dresse un beau portrait de jeune femme d’aujourd’hui, partie au bout du monde pour se construire loin de ses démons. De ce fait-là, son livre peut également être lu comme une magnifique lettre d’amour.
Cold case d’Alexandre Labruffe (Verticales), 240 p., 20 €. En librairie le 7 mars.
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