Pendant quatre ans, entre 2012 et 2016, les deux journalistes Antonin André et Karim Rissouli se sont entretenus avec le Président français. Il en ressort un livre rempli de confessions politiques et privées, où François Hollande passe en revue son quinquennat, Trierweiler, la rivalité Valls/Macron, Sarkozy, et sa candidature en 2017.
« C’est dur, bien sûr que c’est dur. C’est beaucoup plus dur que ce que j’avais imaginé » lance François Hollande le 16 novembre 2013, à Antonin André, chef du service politique d’Europe 1 et Karim Rissouli, nouvel animateur de l’émission politique de France 5. Cette citation ouvre le livre écrit à quatre mains par les deux journalistes politiques, Conversations privées avec le Président, et résume bien leur proximité avec le Président de la République. Retour sur les confessions les plus frappantes de l’ouvrage.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Trierweiler et la presse
L’ouvrage d’Antonin André et Karim Rissouli s’ouvre sur les quelques scandales qui ont émaillé le quinquennat de François Hollande, et offre un envers du décor saisissant. Ils reviennent notamment sur le scandale provoqué par la publication du livre confession de Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment.
Quand son ancienne compagne est encore présente à ses côtés, Hollande se montre par ailleurs plutôt bienveillant à son égard, notant qu’« elle n’était pas du préparée à ça. En politique on est préparé à tout, aux mensonges, aux caricatures, aux trahisons. Mais vous, journalistes, vous n’êtes pas préparés » (p269). Après la publication du livre de Valérie Trierweiler, le ton change :
« Ce jour-là, je reviens de Clichy. Valérie m’appelle et me dit : « Voilà je sors un livre » (…) Donc dans Paris Match paraissent les extrais sur l’intimité, ce qui est violent. Cela peut ne pas être violent pour ceux qui aiment raconter leur vie. Mais pour moi qui n’ai pas ce genre de rapport, d’inclination à l’exhibition, oui ça m’atteint. (…) Sans faire de la psychologie, je pense que c’est elle qui a un complexe social vis-à-vis de moi. Je ne l’avais pas mesuré »
François Hollande condamne également l’emballement de la presse au moment de la parution du livre, ou lorsque que ses photos volées apparaissent en une de Closer. Il dénonce la disparition de la vie privée autant pour le Président que pour les individus lambdas.
« Je ne m’attendais pas à un état de grâce, mais là j’ai eu un état de glace, confie le Président. Aucune indulgence comme il en existe normalement dans les périodes d’alternance. (…) Je crois que le système médiatique est tel aujourd’hui que ce qui était possible il y a quelques années, c’est-à-dire le contrôle assez précis des textes, des décisions à pendre, est devenu impossible »
Le Président face aux attentats
Les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre, la prise d’otage de l’hyper-cacher, autant d’événements délicats à gérer où François Hollande semble être ressorti plus fort. C’est du moins ce qu’il raconte dans le livre :
« Là, j’ai montré que le pays était dirigé. Dirigé par moi. Le pays est tenu. Il y a eu un moment où tout aurait pu basculer dans la rancoeur, la haine. Ca n’a pas été le cas. La France s’est découverte elle-même, elle a montré qu’elle avait confiance en elle, notamment à travers la reconnaissance internationale de ce que le pays représente et de ce que son président représente. Je suis regardé comme le président d’une belle France. »
La courbe du chômage
François Hollande fait parfois preuve d’un certain sens d’humour dans Conversations privées avec le Président. C’est notamment le cas lorsqu’il revient sur son annonce, avec le ministre du Travail de l’époque Michel Sapin, d’inverser la courbe du chômage :
« J’ai fait cette annonce de l’inversion de la courbe du chômage parce que je croyais encore que la croissance serait de 0.7, 0.8, elle sera finalement de 0.1 ou de 0.2. Puis je répète cet engagement lors des vœux le 31 décembre 2012. J’ai eu tort! Je n’ai pas eu de bol! En même temps, j’aurais pu gagner. (…) Rétrospectivement, je suis tout à fait reconnaissant, non seulement à Sapin mais aussi à moi-même, d’avoir fixé cet objectif parce que ça a permis de mobiliser. (…) Je revendique cette méthode. Même si elle est coûteuse politiquement, elle est socialement et peut-être même économiquement bénéfique »
Valls et Macron
Le Premier ministre et le ministre de l’Economie sont souvent cités par François Hollande et certains chapitres sont entièrement consacrés à la relation qui les lie au Président de la République. Ce dernier balaie par ailleurs la concurrence supposée des deux hommes :
« Contrairement à ce que certains peuvent penser, Manuel lui-même peut le croire, ils ne sont pas concurrents. Je ne sais pas ce que seront leurs vies dans les prochaines années, mais ils ne sont pas sur le même espace »
Le chef de l’Etat loue plusieurs fois le talent politique de Manuel Valls, un homme « loyal » selon lui, et à ne pas sous-estimer : « Dans cette génération, Valls est celui qui a la plus grande expérience politique. il a une identité ‘’républicaine’’, au sens chevènementiste. C’est un social-républicain plus qu’un social-libéral. » Il se permet cependant de le critiquer au moment des débats sur le la loi travail, comme le Premier ministre « pense que le débat est entre les deux gauches » et non que le débat « est avec le pays ».
Quant à Macron, les deux journalistes le présentent comme une personne « efficace » et « fidèle » quand il est le conseiller du Président, mais qui souhaite très vite s’émanciper et aller plus loin que le ministère de l’Economie. Hollande lui réitère sa confiance, même après que le jeune ministre a lancé son mouvement En Marche!, et analyse sa popularité :
« Il est populaire parce qu’il a lui même un talent qui s’entend. Ce qu’il dit également est intéressant. Mais il est populaire surtout parce qu’il n’est pas politique (…) par qu’il est nouveau (…) parce que justement il transgresse un certain nombre de clivages ou de règles de la vie politique »
Il ajoute cependant qu’Emmanuel est « ailleurs » : « Mais c’est un ailleurs déjà très occupé, par Bayrou, par Marine Le Pen » et en profite pour le recadrer légèrement : « J’attends de lui qu’il soit davantage ministre de l’Economie ».
Bolloré
Étrangement, Vincent Bolloré est un sujet qu’aborde assez librement François Hollande auprès d’Antonin André et Karim Rissouli. Le chef de l’Etat annonce ainsi avoir reçu le magnat de l’immobilier pour discuter des droits de retransmission du festival de Cannes. Il dépeint le nouveau patron de Canal+ comme « un pirate »:
« Je pense qu’il faut se méfier de Bolloré. Mais pas simplement politiquement. Ceux qui ne s’en sont pas méfiés sont morts. C’est un pirate. Et c’était vrai ce qui a été dit sur les animateurs. Quand Bolloré est venu me voir, il m’a dit « On va reprendre le Grand Journal, Les Guignols ça deviendra une émission internationale. » Puis il me dit qu’il va faire venir une nouvelle génération de comiques : Dany Boon et Arthur ! Comme il a un physique plutôt moderne, Bolloré, plutôt beau garçon, on ne le voit pas venir mais c’est un catho intégriste en réalité ! »
Sarkozy et 2017
Nicolas Sarkozy, l’ennemi juré de François Hollande, occupe une part importante de l’ouvrage. Il y apparaît par touches, furtivement lorsqu’il est reçu par le Président après les attentats, ou plus longuement dans des attaques assez violentes.
Le chef de l’Etat critique ainsi l’inconstance de Sarkozy : « Il n’a pas de colonne vertébrale, donc il peut aller de tous les côtés. Sarkozy président de la République, il commence sur une ligne et finit sur une autre », ou sa défaite amère en 2012 :
« Sarkozy est obsédé par la présidentielle. Je pense qu’il n’a pas digéré le débat du second tour et l’humiliation. Il est dans un troisième tour. Dans l’idée que l’élection ne s’est pas faite comme elle aurait dû. Au lieu de préparer 2017, il refait 2012 ! Contre Marine Le Pen et contre moi ! »
François Hollande pressent pourtant le scénario de 2012 se répéter en 2017 : « Je pense que s’il ne lui arrive rien, c’est lui que j’affronterai. Je ne vois pas bien comment ils pourront l’en empêcher ». La prochaine élection présidentielle, c’est aussi un sujet qui revient régulièrement au cours des différents entretiens. L’ancien maire de Tulle y pense : « Je ne ferai pas de choix de candidature si, d’évidence, elle ne pouvait pas se traduire par une possibilité de victoire » . Ne pas se représenter pourrait d’ailleurs représenter « une sorte de libération ».
Le Président dresse en tout cas un bilan positif de son mandat, qui lui permettrait de se représenter. Il conclut ainsi :
« Ce qui est terrible, c’est de faire un mandat présidentiel dont il ne reste rien (…) Se dire : »J’étais là, j’ai occupé la fonction. Mais qu’est-ce que l’Histoire retiendra ? » Moi j’ai réglé cette question : le Mali, la réponse aux attentats de janvier, le mariage pour tous, la loi Macron… Une fois qu’on a réglé cette question, on peut tout faire pour poursuivre mais en même temps ce n’est pas un drame si ça s’arrête. »
Conversations privées avec le Président, Antonin André et Karim Rissouli, éd Albin Michel, sortie le 16 août.
{"type":"Banniere-Basse"}