À la fois rappeur et comédien, Vince Staples déroule sur Netflix une mini-série de 5 épisodes qui témoigne, non sans humour noir, de l’expérience des Noir·es aux États-Unis. À voir sur Netflix.
Qui est Vince Staples ? Vous ne le savez peut-être pas très précisément, comme moi lorsque j’ai commencé à regarder sa série. Le natif de Compton, quartier noir et pauvre de Los Angeles, traverse pourtant le hip hop californien depuis une bonne dizaine d’années, en tant que membre du collectif Odd Future et du trio Cutthroat Boyz. Il a également sorti plusieurs albums solo aux influences electro et post-gangsta rap. Des contributions ultra appréciées (y compris aux Inrocks) où il met en scène ses jeunes années dans les gangs et cherche à trouver un récit crédible pour décrire une sortie possible de la violence.
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Sa première série en tant que créateur s’appelle tout simplement The Vince Staples Show. Le trentenaire joue en apparence son propre rôle – disons plutôt : une version de lui-même –, celui d’un rappeur vaguement embourgeoisé et à moitié célèbre (“Personne ne le connaît”, dit un dialogue brutal et néanmoins exagéré), confronté à une série de problèmes comme de passer une nuit en prison, ne pas réussir à manger dans un parc d’attractions, et bien pire si affinités.
Un “show” en 5 épisodes
À Long Beach, à quelques kilomètres au Sud de LA, se dessine son quotidien teinté d’étrangeté, qui peut tourner assez vite au cauchemar ou à la débandade. On pense forcément à Atlanta, la grande série de Donald Glover achevée en 2022, où les mêmes enjeux se dessinaient : la mise en scène de l’expérience noire contemporaine aux États-Unis, du point de vue de celles et ceux qui la vivent. Ici comme là-bas, le réalisme des lieux et des corps se teinte de fantastique, de grotesque et de tragique.
Mais Vince Staples n’a rien d’un copiste ou d’un simple agrégateur de tendances. Il est sa propre tendance et impose son style lascif, fait d’une fine ironie qui parsème les cinq épisodes de petits gouffres existentiels. L’exploit de la série est de parvenir à rendre malaisantes et souvent politiques des situations vues et revues, que ce soit à propos des discriminations subies par la communauté noire, des conflits internes à cette communauté – l’épisode drolatique de la fête de famille gâché par un plat de pâtes – mais aussi, plus prosaïquement, de la difficulté de vivre en couple dans un monde régi par l’individualisme comme unique phare des représentations de soi.
Une série autobiographique de plus ?
Ici, une journée au parc d’attractions devient une métaphore de la relégation sociale, un retour au lycée réveille de vieilles fractures et fait que tout dérape. La chronique sociale se construit comme une rêverie personnelle, capable de convoquer à sa manière les augures planants de David Lynch. En cinq épisodes, cela peut sembler trop ambitieux. Mais quelque chose nous attache à ces personnages et à ce monde où les premières victimes, on s’en rend compte au bout du chemin, sont les enfants : ils traversent une réalité parfois affreuse sans qu’à aucun moment, les adultes et la société ne leur permettent d’y échapper.
The Vince Staples Show a parfois l’air d’une simple blague, d’une série autobiographique de plus, mais son élégance discrète et sa férocité presque ouatée ne peuvent pas laisser indifférent·e.
The Vince Staples Show. Sur Netflix.
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