Après plusieurs discours pro-Palestine prononcés lors de la cérémonie de la Berlinale ce samedi, des personnalités politiques allemandes ont accusé le festival de faire le jeu de l’antisémitisme.
“Ce qui s’est déroulé hier à la Berlinale a constitué une relativisation insupportable. L’antisémitisme n’a pas sa place à Berlin, et cela vaut aussi pour les artistes”, a écrit le maire de la capitale allemande, Kai Wegner, sur son compte X, ce dimanche 25 février au lendemain de la remise des prix de la 74e édition de la Berlinale. Depuis, une vague de réactions s’est propagée dans la sphère politique allemande, qui demande au festival de rendre des comptes sur les propos tenus par certain·es artistes sur scène.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les interventions critiquées sont celle du cinéaste américain Ben Russell (récompensé avec Guillaume Cailleau pour Direct Action), accusant Israël de “génocide”, foulard palestinien sur les épaules, et celle des documentaristes Yuval Abraham et Basel Adra, récompensés pour No Other Land, qui traite de l’expulsion de villageois·es en Cisjordanie.
Lors de leur réception du prix du film documentaire, ils ont accusé Israël de “massacrer” la population gazaouite et dénoncé les ventes d’armes allemandes au pays. Sur son compte X, Yuval Abraham explique qu’il est visé par des menaces de morts depuis son intervention.
Une position unilatérale remise en cause
Pour un responsable du Parti social-démocrate, Helge Lindh, les applaudissements qui ont accueilli ces prises de parole sont “choquants”. Dans un entretien accordé au quotidien Die Welt, il déclare : “J’ai honte de voir que dans mon pays des gens aujourd’hui applaudissent des accusations de génocide contre Israël.”
Konstantin von Notz, l’un des responsables des Verts, parle lui aussi de “honte” et dénonce “un renversement perfide” pour les Juif·ves “du statut de victimes en bourreaux”. Ces vives réactions s’expliquent par le fait que la sécurité d’Israël est raison d’État pour l’Allemagne et que le gouvernement – qui finance le festival – fait de la lutte contre l’antisémitisme l’une de ses grandes priorités.
Les politiques dénoncent ainsi la position unilatérale qui a été défendue sur la scène de la Berlinale. Ce lundi 26 février, la porte-parole adjointe du gouvernement, Christiane Hoffmann, a estimé qu’“il est inacceptable que l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre n’ait pas été mentionnée”. Le chancelier Olaf Scholz a lui-même pris la parole pour affirmer “qu’une telle position unilatérale ne peut être tolérée, et que dans tout débat sur ce sujet, il est important de garder à l’esprit l’événement qui a déclenché cette nouvelle escalade du conflit au Moyen-Orient”.
Christiane Hoffmann a ainsi déclaré qu’une enquête serait ouverte pour déterminer comment de tels propos ont pu être tenus. La ministre de la Culture écologiste, Claudia Roth, a annoncé ce lundi qu’elle se pencherait avec le maire de la ville sur les “incidents survenus” lors de la cérémonie.
Un compte Instagram “piraté”
Dans la soirée de dimanche, la Berlinale avait déjà réagi via un communiqué à l’AFP en soulignant que les prises de parole des lauréat·es constituent “des opinions individuelles et indépendantes” qui ne représentent “en rien” celles du festival, mais qu’il convient d’“accepter” tant qu’elles “respectent le cadre légal”. La direction a tout de même affirmé “comprendre l’indignation” suscitée par ces discours “ressentis comme trop partiaux”.
Pour jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, le compte Instagram de la section Panorama du festival a diffusé plusieurs photos et images avec les slogans “Free Palestine from the river to the sea” ou “Stop au génocide à Gaza”. La direction de l’événement a informé via un communiqué à l’AFP que celui-ci avait été piraté : “Il est insupportable que des gens se servent d’un compte de réseau social de la Berlinale pour répandre de la propagande antisémite.” Après avoir effacé les images, le festival a porté plainte contre “cet acte criminel”.
{"type":"Banniere-Basse"}