Directrice de la photographie, Nurith Aviv poursuit son travail d’exploration de la langue avec “Lettre errante”, un documentaire poétique et politique sur la lettre « R » dans différents idiomes.
Quel beau film, simple comme bonjour, qui part pourtant d’une idée qui ne ressemble à (presque) rien ! Un petit (52minutes) chef-d’œuvre d’intelligence, d’ouverture, d’humanité. À partir d’une simple et unique lettre : le R. C’est tout ? Oui, c’est tout et c’est à la fois TOUT.
La Franco-Israélienne Nurith Aviv, âgée de 78 ans, tourne depuis une vingtaine d’années des documentaires sur la langue (dont Yiddish). En France, elle est la première femme à avoir été reconnue comme chef opératrice par le Centre national de la cinématographie. Elle est notamment l’autrice de l’image de Daguérréotypes (1975), l’un des plus beaux films d’Agnès Varda, et a travaillé avec René Allio, René Féret, Amos Gitaï, etc.
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Lettre mystérieuse
Alors oui, tout part d’une lettre étrange, mystérieuse : le R, qui a fait le tour du monde, qui a voyagé dans presque toutes les civilisations, et qui a pour singularité de se prononcer partout différemment, selon le pays, la région, le village parfois. Dans les langues japonaises, chinoises, coréennes, elle n’existe carrément pas. Pas du tout.
Nurith Aviv, après une introduction personnelle sur cette lettre, donne la parole six personnes de langue maternelle différente, mais qui ont dû se coltiner cette lettre un peu effrayante, et dont l’activité est liée de près à la langue, aux langues (écrivain, traductrice, psychologue, homme de théâtre…), qu’ils ou elles soient Japonais, Haïtiens ou d’origine algérienne. L’écrivain norvégien Karl Ove Knausgaard, dont l’œuvre dévoile les très mauvais rapports qu’il avait avec son père, raconte combien le fait qu’il prononce le R comme sa mère attisait littéralement la haine et le rejet de son père.
Lettre politique
On découvre alors que le R peut aussi être une lettre politique, quand on le roule (comme les premier·ères Algérien·nes indépendant·es), quand on le “caresse”, comme dit le metteur en scène haïtien, ou quand sa prononciation change et montre que le rapport porté sur la langue évolue en fonction des régimes politiques, et des époques. C’est tout simplement merveilleux, libérateur.
Lettre errante est un hymne à peine dissimulé à la beauté de la diversité humaine, aux multiples couleurs dont nous sommes fait·es. Sublime et galvanisant.
Lettre errante avec Karl Ove Knausgaard, Misako Nemoto, Luba Jurgenson, Orly Noy, Amel Chaouati & Guy Régis Jr
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