À coups de riffs tempétueux, sonorités irascibles et gimmicks entêtants, le quatuor d’Angoulême façonne un premier album postpunk puisant dans leurs angoisses les plus intimes.
En dépit de leur nom, ces quatre-là rugissent plus qu’ils ne ronronnent. “Purrs”, un blason tout droit venu de l’imaginaire du leader du groupe qui, au beau milieu d’un bar d’Angoulême, avait soumis l’idée à ses compères… “To purr”, “ronronner” en français. Pourtant, Goodbye Black Dog – un premier album pour le moins animal – nous fait plutôt l’effet d’une morsure au cou, dont l’entaille des canines laisserait une trace indélébile, filant une rage dont on ne peut se défaire. Animal, car immédiat. Animal, car viscéral.
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Disque-témoin
Comme les discours punk s’en font très souvent le relai, Purrs se sont eux aussi laissé atteindre par la morosité qui s’accroît. Par les frustrations qui grandissent et les espoirs qui se tarissent, à l’aune d’un contexte politique toujours plus sinistre – “Everything will be ok and everything is fine”, s’échine à répéter Elliot Selwood, chanteur et tête pensante du groupe, tout au long du titre Serotonin. Tenter de se dire que tout va bien aller, même quand on aurait tant de raisons d’aller mal.
Plutôt que de se morfondre en laissant la paralysie entraver leurs forces vives, les quatre musiciens ont remonté leurs manches pour façonner un disque-témoin de cette période étrange, interstice entre l’avant et l’après, entre la neurasthénie et l’euphorie. Car un faisceau de lumière pourrait bien achever de percer l’obscurité, à force de bourlinguer, guitares en mains et authenticité en bandoulière.
La musique comme exutoire
Nouvelles recrues du label A Tant Rêver du Roi, Purrs se joint ainsi à It It Anita, Nastyjoe, W!zard, Drunk Meat – maillons de la prolifique (et décidément enthousiasmante) chaîne postpunk tricolore. Dans ses influences, le quatuor cite aussi bien Idles – avec qui il partage une texture sonore corrosive – que les Psychotic Monks, auxquels il emprunte la couleur industrielle, retrouvée en touches éparses dans des titres tels que Give a Hand ou Badlands.
Et puisque l’heure est au grand chambardement dans l’imagerie rock, Purrs s’inscrit dans la dynamique lancée par ses contemporains britanniques : celle d’assumer et de raconter sa vulnérabilité, ses tourments et négociations avec soi-même. La musique comme exutoire. Dire “je” pour parler de “nous”.
À coups de riffs tempétueux, sonorités irascibles et gimmicks entêtants, les quatre musiciens s’attèlent à dégager la voie de terres pourtant arides et chaotiques (Badlands encore, soit l’un des titres les plus enivrants de l’album), canaliser des angoisses existentielles qui rendent parfois inerte (Brutal Round Here), se convaincre que la vie est, malgré ses tribulations, une “chose dont il faut profiter” (To Be Enjoyed).
Faire corps
Un précepte que ces quatre copains qui se sont rencontrés au lycée semblent appliquer à la lettre – en témoignent leurs performances live, libératrices et profondément joyeuses. On l’a vu de nos yeux il y a quelques semaines, lors d’un concert donné au Supersonic, à Paris : en plus de découvrir avec un certain plaisir leur son tapageur, on observait le leader grimper sur les épaules d’un type, micro en mains et la voix cassée (la faute à un excès de fête, nous faisait-il comprendre à demi-mot). Une soif d’exaltation qui apporte de la profondeur aux textes de l’album, dont l’obscurité se voit ainsi teintée de couleurs salvatrices.
Alors, si Give a Hand sonne comme un appel à l’aide, avec son halo sonore tout en tension et ses bribes vocales désespérées, Overwhelmed Together expulse le trop-plein – d’émotions, de frustrations, d’informations – qui saisit parfois à la gorge et pétrifie la chair. “Can I rest my head on your shoulder?”, y chante ainsi Elliot, tandis que tempêtent des guitares à saturation. Car il est parfois opportun de fendre l’armure et de s’appuyer sur l’autre quand les forces s’amenuisent, solidarité bienvenue dont les quatre musiciens (et amis) sont sans doute familiers.
Pour autant, Goodbye Black Dog se referme avec le parfum d’incertitude de Not Sure How All This Will End, titre contemplatif et évanescent où, dans un ultime vertige, Purrs s’autorise à regarder le chemin parcouru. “It’s been a long year of life”, constatent-ils, sans s’avancer sur un futur potentiellement nébuleux. Année longue, certes, mais résolument fructueuse au regard de ce premier disque.
Goodbye Black Dog (À Tant Rêver du Roi). Sortie le 23 février.
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