Parmi les 560 romans qui sortiront à partir de cette semaine, notre sélection de ceux avec lesquels il va falloir compter. Avec, pour chacun, la possibilité d’en lire le premier chapitre.
Les Premières Fois de Santiago H. Amigorena (P.O.L)
Transplanté en France pour cause d’exil politique de ses parents argentins, Santiago Amigorena poursuit la narration de son adolescence parisienne dans les années 1970. Le regard est aussi mordant que le froid. Il est aussi très drôle quand, parmi les nombreuses “premières fois”, il découvre l’existence du croque-monsieur, “un des pires crimes que puisse accomplir un cuisinier”. Un peu fatigant à force d’avoir toujours raison sur tout ce qui bouge, l’auteur n’en a pas moins la politesse d’en être conscient, se déclarant “désolé de gémir comme un vieux babouin et de pleurer les temps anciens”. Comment être critique sur notre présent sans être conservateur, voire réac ? C’est un bon sujet de livre.
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Six mois dans la vie de Ciril de Drago Jancar (Phébus)
Après moult déboires, Ciril, jeune violoniste slovène, se retrouve à faire la manche dans le métro de Vienne, en Autriche. Passe un compatriote, homme d’affaires prospère qui se prend d’amitié pour lui et le ramène à Ljubljana. Le musicien idéaliste découvre alors le monde des magouilles politico-mafieuses. Mais Drago Janc`´ar ne se contente pas de dénoncer le libéralisme sauvage de l’après-Tito. Comme dans son inoubliable Cette nuit, je l’ai vue, le romancier slovène nous décrit la Mitteleuropa éternelle, espace mythique où langues et religions se croisent, continent perdu que chaque personnage porte en lui.
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Nos lieux communs de Chloé Thomas (Gallimard)
Premier roman étrange et séduisant, Nos lieux communs confronte deux générations que tout sépare : d’un côté Marie et Bernard, militants communistes partis s’établir en usine dans les années 1970 ; de l’autre Pierre, leur fils, et Jeanne sa compagne, d’une génération sans autre horizon que le bonheur, le confort matériel, une vie bien rangée… Ce pour déconstruire, les uns après les autres, les préjugés des uns et des autres. lire la critique
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Amours sur mesure de Mathieu Bermann (P.O.L)
Un premier roman tout en subtilité pour dire les errements sentimentaux aujourd’hui. Le héros, trentenaire parisien en couple très libre avec Lisa, est amoureux de Valentin, qui rêve du beau Joram. Parce que l’ultracontemporain peut parfois se faire proustien, Mathieu Bermann interroge la complexité des sentiments, la jalousie, la timidité, l’amitié, à l’heure de la liberté sexuelle et du mariage pour tous.
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The Girls d’Emma Cline (La Table Ronde/Quai Voltaire)
A 27 ans, Emma Cline est devenue la nouvelle superstar des lettres US grâce à ce premier roman. Si l’on est un peu las de ces auteurs marketés par leurs agents avec enchères internationales et gros chèque à la clé (on parle de 2 millions de dollars aux USA), force est de reconnaître que, dans ce cas, le roman est très bon. A travers l’entrée d’une jeune adolescente dans une secte à la fin des années 1960 – on reconnaît la famille Manson, mais tous les noms sont changés –, Cline met en scène les mécanismes de fascination et sujétion. Une approche différente du California Girls de Simon Liberati.
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Judas d’Amos Oz (Gallimard)
Nul besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que Judas sera une histoire de trahison. Il s’avère qu’il s’agit aussi, contre toute attente, d’une histoire d’amour. Le grand romancier israélien met en scène un jeune homme pauvre, entrant au service d’un septuagénaire étrange, qui tombera amoureux d’une femme vivant sous le même toit. Le tout dans les tensions de la Jérusalem de 1959.
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Les Sorcières de la République de Chloé Delaume (Seuil)
Entre 2017 et 2020, les déesses de l’Olympe s’emparent du pouvoir en France et imposent une dictature féministe délirante. Quarante ans plus tard, dans un Stade de France reconverti en tribunal de Paris, la Sybille, prophétesse de profession et fondatrice du mouvement, doit répondre aux accusations d’“organisation terroriste” et de “crime contre l’humanité”. En mixant mythologie et realTV, politique et entertainment, Chloé Delaume signe une farce d’anticipation aux airs de manifeste antipatriarcat. Féroce.
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California Girls de Simon Liberati (Grasset)
Un an après son magnifique Eva, Liberati renoue avec ses obsessions – jeunesse flambée, vies consumées sur fond de L. A. sixties –, pour reconstituer trente-huit heures de la vie de certains membres de la famille Manson, pendant lesquelles ils commirent le meurtre de Sharon Tate et de ses amis. L’écrivain n’évite aucun détail, même les plus atroces, afin de mieux fouiller le Mal, en retourner la peau, nous en montrer les entrailles. Un texte glaçant, sans cesse asphyxiant, sur la dérive hallucinée de jeunes gens dans une époque extrême.
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Au commencement du septième jour de Luc Lang (Stock)
Un homme voit sa vie dévastée du jour au lendemain par le grave accident de voiture dont sa femme est victime. Il décide de se battre, mais ce qu’il découvre ébranle peu à peu toutes ses certitudes. A travers le parcours de ce personnage, fils de paysan devenu cadre en entreprise et père de deux jeunes enfants, Luc Lang parvient à aborder toutes sortes de questions, philosophiques, économiques ou politiques, et plusieurs problématiques intimes qui lui sont chères, comme celle de la paternité. L’auteur de Mother signe ici un grand roman, texte ambitieux et maîtrisé, d’une construction narrative extrêmement efficace.
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L’Insouciance de Karine Tuil (Gallimard)
Ce qu’on aime chez Karine Tuil, c’est son ambition : écrire un roman total qui capterait le monde contemporain et ses soubresauts. Ainsi, après L’Invention de nos vies (2013), L’Insouciance nous plonge dans les milieux de la finance et du journalisme aujourd’hui, sans oublier bien sûr le terrorisme. C’est là où le bât blesse : le côté catalogue des maux du jour, desservi par des personnages stéréotypés et une écriture “efficace”. Quand son ambition finit par se retourner contre elle.
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Ma part de Gaulois de Magyd Cherfi (Actes Sud)
Le chanteur du groupe Zebda signe ici un texte autobiographique où il se souvient de son année de terminale. Sans angélisme mais non sans humour, Magyd Cherfi raconte ce quartier de Toulouse où il sera le premier fils d’immigré maghrébin à décrocher le bac. Il ne cache rien : ni les copains qui le traitent de pédé parce qu’il aime lire, ni le machisme ambiant, ni le racisme banal voire institutionnel auquel ils sont tous confrontés. Mais il rend aussi hommage à ces ados qui tentent de résister à la fatalité. Surtout, Magyd Cherfi écrit du même coup une histoire politique française des années 1980, vue depuis une cité.
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Crépuscule du tourment de Léonora Miano (Grasset)
Quatre femmes – sœur, amante, mère, épouse – livrent leur point de vue sur un même homme. Le nouveau roman de Léonora Miano séduit d’abord par sa dimension poétique, cette musicalité, ces rythmes lancinants et puis cette polyphonie, ces voix, ces récits emboîtés qui placent l’émotion des personnages au premier plan devant le déroulement de l’intrigue. Un travail admirable sur la langue donc qui, au-delà de la créolisation d’Edouard Glissant, de “l’afropéanisme” et de l’hybridation des dialectes de son pays, ouvre une brèche en plongeant dans un troisième continent littéraire que l’auteur connaît bien : l’Amérique du Nord. Il y a aussi ces personnages féminins bouleversants, femme totem, femme martyre, femme-objet ou femme dominatrice, qui portent les stigmates de leur condition au plus profond de leurs corps, dans leurs blessures comme leurs désirs.
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Bronson d’Arnaud Sagnard (Stock)
Il est plaisant qu’un roman s’obsède d’un sujet qui a priori indiffère. Ici, la vie et l’œuvre de Charles Bronson, acteur américain né en 1921 à Ehrenfeld (Pennsylvanie) et mort en 2003 à Los Angeles. Or ce nom d’Erhenfeld, en allemand, signifie “champ d’honneur”. Charles Bronson, né au champ d’honneur comme d’autres y meurent ? C’est ce genre d’intrigue en diagonale qui turlupine Arnaud Sagnard jusqu’à métamorphoser une biographie en autobiographie de son enquête. Dansant autour de Bronson comme autour d’un totem, il se dit “face à un sphinx qui formule sa question et sa réponse.” Un régal de perdition.
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Babylone de Yasmina Reza (Flammarion)
“Aujourd’hui j’ai 62 ans. Je ne pourrais pas dire que j’ai su être heureuse dans la vie, je ne pourrais pas me donner quatorze sur vingt (…), je dirais douze sur vingt en trichant.” Une narratrice qui pense comme ça ne peut pas être tout à fait mauvaise. A travers l’amitié qu’elle va nouer avec son voisin, elle fait peu à peu comprendre qu’un meurtre s’est commis chez lui ; et elle épingle et analyse chaque détail, tournure de langage, situation, ressenti d’une classe moyenne vieillissante. Du pur Reza.
Amour monstre de Katherine Dunn (Gallmeister)
Les strip-teaseuses dotées d’un appendice caudal ne courent pas les rues. Celles qui ont pour parents une naine bossue albinos et un freak nanti de nageoires encore moins – surtout quand ces géniteurs, fruits d’un bricolage génétique intrafamilial, se trouvent en outre être frère et sœur. Quant aux écrivaines capables de tirer de cette configuration dramatique un monument d’effroi, d’émotion et de drôlerie, on n’en recense à ce jour qu’une seule – Katherine Dunn, journaliste spécialiste de boxe et auteur en 1989 de ce roman cultissime. Depuis sa parution, Amour monstre n’a cessé d’envoyer ses lecteurs au tapis.
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10:04 de Ben Lerner (Editions de l’Olivier)
Entre deux randonnées dans les rues de Brooklyn et Manhattan, un jeune universitaire écrit le roman d’un roman en train de s’écrire, y intègre une nouvelle publiée dans le New Yorker et s’offre des détours du côté de la poésie comme de la critique d’art. A une parfaite maîtrise de ces dispositifs – lesquels combinent métafiction et autofiction –, Ben Lerner allie dans son second roman un constant sens de l’humour. En peaufinant ses portraits de hipsters, en privilégiant la fantaisie et en prenant sans cesse le pouls de son propre nombrilisme, il fait du processus créatif un inépuisable sujet de comédie.
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Crue de Philippe Forest (Gallimard)
Toujours, Philippe Forest sonde l’absence, le deuil, la disparition. Ici, un narrateur revient dans la ville où il habitait quand sa petite fille vivait encore. Il cherche les traces du passé dans des lieux en pleine transformation urbaine. Forest aurait pu s’en tenir à cette déambulation intérieure, mais le texte devient fantasmagorique. De mystérieux personnages apparaissent, dont un homme qui se dit écrivain et prédit l’Apocalypse. Jusqu’à ce que l’inimaginable advienne. Par sa phrase chargée d’émotion retenue, Philippe Forest signe une parabole pour nous rappeler que tout, hommes et villes, est condamné à être englouti.
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La Jeune Fille et la Guerre de Sara Novic (Fayard)
Une étudiante américaine retourne à Zagreb, sa ville natale qu’elle a quittée à 10 ans, en pleine guerre des Balkans. Ce très émouvant premier roman, écrit en anglais par une jeune auteur qui a vécu en Croatie et aux Etats-Unis, alterne trois époques : l’enfance, quand la Yougoslavie sombre dans le chaos ; la difficile reconstruction en Amérique ; le retour dans un pays où les traces du conflit sont visibles. Ici, la guerre est décrite de l’intérieur, à hauteur d’enfant, avec retenue. Et ce personnage de petite fille désorientée, qui devenue grande replonge dans son histoire, est absolument magnifique.
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Beckomberga – Ode à ma famille de Sara Stridsberg (Gallimard)
Au début du XXe siècle à Stockholm, l’hôpital de Beckomberga représentait l’avènement d’une psychiatrie moderne. Il est désormais à l’abandon. L’annonce de sa destruction émeut la narratrice : lorsqu’elle était adolescente, elle passait là-bas tout son temps libre auprès de son père interné. Alors les souvenirs surgissent, peuplés d’êtres cabossés, marginaux et magnifiques. Et la narratrice affronte les douleurs enfouies, décidée à résoudre des questions restées sans réponse. Sara Stridsberg signe ici une ode à la tolérance et une belle réflexion sur la façon de faire famille, d’être fille puis mère, malgré tout.
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L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset(Gallimard)
La vie ratée d’un homme brillant, ou comment l’enchaînement d’anodines maladresses peut se révéler fatal. Dans les années 1980 à Paris, Thomas et ses copains passent le bac dans l’allégresse. Les uns construisent leur vie, passent des concours, décrochent des emplois. Thomas reste un dilettante qui perd son temps. Aux Etats-Unis, il parvient à intégrer le monde universitaire mais ne sera jamais le chercheur renommé qu’il aurait dû devenir. Catherine Cusset tient de bout en bout un texte qu’on ne lâche pas, tout entier dédié à l’ami que personne n’a pu aider, et où pointe la nostalgie des années qu’on ne rattrape pas.
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