Cela fait désormais six ans que Netflix a converti ses abonné·es à la Formule 1 avec sa série “Formula 1 : Pilotes de leur destin”. Année après année, le show se maintient comme l’une des meilleures productions originales de la plateforme.
Vu de loin, le monde de la Formule 1 n’a rien d’attirant : industrie ultra-luxueuse (ultra-excluante…), carnage écologique, des vroum-vroum qui tournent en rond tout un dimanche après-midi… Mais ça, c’est ce que pensaient la plupart des néophytes avant d’être converti·es avec Pilotes de leur destin. Si certains enjeux sociopolitiques restent de mise, la principale force de la série a consisté au début (les premières saisons, que beaucoup ont rattrapé durant le confinement) à introduire tout un audimat à un monde clos et extrêmement codifié, difficile d’accès au premier regard.
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Au fil des premiers épisodes, la série délivrait lentement, sûrement, toutes les informations nécessaires à la compréhension de ce complexe système : on y apprenait à connaître les pilotes (le sourire ravageur de Daniel Ricciardo, l’ambition de Max Verstappen…), les directeurs d’écurie (Toto Wolff et Christian Horner pour Petronas et Red Bull), mais aussi les principales étapes d’un week-end de course, d’une saison de championnat…
À travers d’abondantes interviews face caméra des principaux intéressés, agrémentés du regard critique et historique du journaliste Will Buxton, on apprenait, littéralement, à regarder la Formule 1.
Renouvellement
Et si pour cette mise en contexte, les premières saisons étaient tout à fait louables, le génie de cette série Netflix provient notamment de sa capacité de renouvellement. Parce que, comme toutes les modes, les champions sont éphémères : la Formule 1 est avant toute chose un sport, soumis à un perpétuel roulement des sportifs et prétendants au titre.
Après avoir suivi le sacre de Verstappen et la destitution de Hamilton (dans une saison 4 mouvementée, qui fut critiquée par le gagnant lui-même), cette nouvelle salve d’épisodes semble amorcer comme un mouvement de fond plus global, presque générationnel. Comme si, après six années à suivre la F1, on avait accompli un tour entier de cylindre.
De plus en plus de visages qui faisaient le quotidien de la série commencent à se diriger doucement vers la sortie (le directeur de Haas, Günther Steiner, rendant visite à son ami Mattia Binotto, ex-directeur de Ferrari, un moment terrassant de tendresse), et à passer le relais aux plus jeunes, que l’on a vu monter en puissance au fil des ans. C’est aussi un timing bien senti pour se plonger plus en profondeur dans des détails techniques (la construction et modification des voitures), qui prennent volontiers la place de la dimension “people” de la série, dont on commençait à avoir fait le tour.
L’aboutissement du projet de Netflix
Ce grand élan de renouveau accompagne des images à l’effet de “déjà vu”, filmées année après année sur les mêmes circuits automobiles, à quelques différences près (un mercato, un sponsor sur le maillot ou un coloris de voiture). Le caractère forcément répétitif du docu témoigne toutefois de la profonde et inépuisable passion des équipes, véritable moteur derrière les performances des écuries. Rares sont les films ou séries à pouvoir prétendre, avec autant de justesse (autant de caméras !), saisir une telle énergie amoureuse au travail, sur un temps aussi long et sous autant de coutures.
Car en montrant conjointement les interviews, courses, caméras subjectives embarquées par les pilotes, coulisses à chaque stand, ainsi que tous les temps morts (avant, pendant et après les championnats), Netflix semble comme atteindre son propre climax, son état de jouissance ultime, dans lequel ses caméras saisissent et “netflixisent” le monde en quasi temps réel, avec seulement un an de délai.
Désormais, comme l’affaire Grégory, il sera impossible de penser à la Formule 1 sans penser à ces images. Déjà un modèle dans l’économie sérielle (on a cessé de compter ses séries héritières, qu’elles s’intéressent au Tour de France, au tennis, au football américain…), Pilotes de leur destin est sans conteste un petit chef-d’œuvre de documentation, dont la passion ravageuse communicative éclipse largement les quelques hyperboles, et donne même un nouveau souffle à une discipline sportive au bord de l’oubli.
Formula 1 : Pilotes de leur destin, saison 6, de Sophie Todd. Sur Netflix le 23 février
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