Après les faits divers relatant les meurtres les plus sordides, Netflix s’attaque aux faux prophètes, dont Raël fut une égérie française scandaleuse dans les années 1990.
Sommes-nous la création d’extraterrestres démiurgiques ? Jésus, Moïse et Mahomet ont-ils traversé la galaxie à bord d’une soucoupe volante ? Les gourous sont-ils forcément des pervers sexuels ? Un bébé humain a-t-il véritablement été cloné par une généticienne française ? Le monde s’arrêtera-t-il de tourner si une série documentaire Netflix n’abuse pas de plans de drones zénithaux ? Autant de questions auxquelles Raël – Le Prophète des extraterrestres tentera, du moins partiellement, de répondre.
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Prophète idoine
La mention de Raël, de son vrai nom Claude Vorilhon, devrait éveiller les souvenirs de quiconque suivait de près ou de loin l’actualité dans les années 1990, tant le gourou occupa l’espace médiatique, devenant un personnage public : dernier des prophètes pour les un·es, clown de service pour les autres. Pour les plus jeunes (ou les moins vieux), la série documentaire que lui consacre Netflix sera l’occasion de remonter le fil ahurissant de la vie de ce chanteur raté, reconverti journaliste automobile et qui, par un soir de décembre 1973, fut témoin, dit-il, de la visite d’extraterrestres.
Et pas n’importe lesquels puisque les Elohim – c’est leur blase – ne seraient autres que nos créateurs, êtres divins nous observant de là-haut, trouvant dans ce jeune barbu à la calvitie déjà bien entamée un prophète idoine. À lui donc de répandre la bonne parole, et de fidéliser des disciples qui ne tarderont pas à s’amasser autour de ce prophète freluquet, transformant la tambouille pseudo-new age que lui “transmettent” les Elohim en un dogme sectaire, dont l’histoire sera inévitablement constellée de scandales.
À la façon de Wild Wild Country, docu Netflix captivant qui retraçait l’histoire délirante du gourou Bhagwan et de sa secte tentaculaire devenue micro-société, Raël décortique en quatre épisodes de 50 minutes l’ascension puis le déclin du plus célèbre gourou français. Au programme : fumisterie scientifico-religieuse, emprise délétère, scandales sexuels et rumeurs de clonage humain.
On en suit les remous à travers les témoignages de disciples repenti·es ou de Raëlien·nes toujours convaincu·es (aujourd’hui disséminé·es aux quatre coins du monde), qui sont autant d’épopées intimes, souvent emplies d’une tristesse retenue ou d’une sidération rétrospective. Il y a celles et ceux qui s’en sont sorti·es et digèrent amèrement d’avoir vu plusieurs décennies de leur vie volées par un charlatan aux mœurs détraquées, celles et ceux que l’on sent trop investi·es émotionnellement pour admettre la supercherie qu’il·elles suspectent sans doute, et les autres, endoctriné·es contre vents et marées en dépit des vagues de controverses, s’accommodant de mensonges pour continuer de croire.
Emprise, esclavage et faux clonages
Parmi les témoignages dénote celui d’une journaliste québécoise infiltrée dans la secte durant neuf mois, qui en révéla les pratiques scandaleuses et l’emprise qu’exerçait Raël sur des jeunes femmes réduites en esclavage sexuel, sorte de harem à sa disposition et à celle des Elohim, bien entendu. On assiste aussi, ahuri·es, aux explications de texte de Brigitte Boisselier, doctorante en chimie et évêque raëlienne – la voix veloutée et le ton assuré –, qui en août 2000 annonça (de manière totalement fallacieuse) avoir cloné un bébé humain, amenant le mouvement devant le Congrès américain et lui assurant une publicité internationale qu’il n’espérait pas.
Et puis il y a l’intervention, montée en épingle dés le premier épisode, de Raël himself, aujourd’hui reclus au Japon où il continue, à 77 ans, son activité de gourou. Forcément décevante, cette interview face caméra d’une quinzaine de minutes s’avère aussi creuse et fumeuse que la parole évangélique de ce VRP du vide spirituel et interroge, en filigrane, le bien-fondé de la démarche de Netflix.
Si la série se binge gloutonnement, réemployant la formule éprouvée du docu Netflix visant la sidération des spectateur·rices, elle fétichise incidemment son sujet avec ses grands effets de mise en scène et d’annonces, et donne finalement pignon sur rue à un charlatan qui, plus que le prophète des extraterrestres, fut surtout un habile menteur et un éminent communicant tirant partie de sa grande exposition.
Raël – Le Prophète des extraterrestres, disponible sur Netflix.
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