Méditation sur la dialectique du maître et de l’esclave. Un premier long métrage troublant et bellement filmé.
Indonésie. Voilà des générations que la famille du jeune Rakib surveille, entretient et habite le manoir de l’opulente famille Purna. Depuis que son père est en prison, Rakib vit seul dans la grande maison et consacre son temps libre à sa passion : les échecs.
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Le général Purna revient un jour chez lui. Cet homme respecté, et surtout craint, a été membre de la dictature militaire qui a gouverné l’Indonésie d’une poigne de fer de 1975 à 1999. On apprendra un peu plus tard qu’il a dirigé des opérations au moment de la conquête sanglante du Timor oriental qui fit plus de 200 000 mort·es. Le général Purna a décidé de devenir le maire de son village d’origine. Il fait dresser de grandes affiches à sa gloire un peu partout dans la campagne.
Un jeu du chat et de la souris
À la fois très affectueux et sévère avec Rakib (il sait alterner le chaud et le froid), ce substitut paternel étrange et manipulateur paraît presque idéal à Rakib. Le film suggère aussi, sans que rien ne se concrétise, que le vieil homme pourrait être attiré physiquement par le jeune domestique. Un jour, le général découvre que quelqu’un s’amuse à déchirer ses affiches. Il va se venger.
Très brutalement, Rakib découvre la vraie nature du vieil homme : il est cruel, cynique, hypocrite et menteur. Pris dans un conflit de loyauté inextricable, le jeune homme tente alors de fuir l’Indonésie en cachette, mais est vite rattrapé, grâce aux appuis du général. Rakib semble pris dans une nasse. Mais qui est le vrai chat ou la vraie souris, le pion ou le roi ?
Un premier long prometteur
Makbul Mubarak, dont Le Pion du Général est le premier long métrage prometteur, sait parfaitement créer un climat angoissant, asphyxiant, notamment en réduisant la taille de l’image à l’aide de miroirs, de premiers plans flous qui dissimulent partiellement les arrière-plans nets, comme si tout était regardé à travers un judas. La lumière glauque créée par son chef opérateur enveloppe tout d’un vert malaisant.
Film politique et historique (le passé terrifiant de l’Indonésie des généraux qui ne peut pas passer, et dont la violence persiste), film psychologique sur le conflit moral, Le Pion du Général mérite d’avoir remporté le prix FIPRESCI (le prix de la critique) à la Mostra de Venise dans la section Orizzonti.
Le Pion du Général de Makbul Mubarak. Avec Kevin Ardilova, Arswendy Bening Swara, Yusyf Mahardika – en salle le 21 février
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