Le producteur multi-instrumentiste allemand Marius Lauber dévoile aujourd’hui son premier long format, un excellent condensé de d’électro, de disco et de pop, dans lequel on retrouve les titres phares de son premier EP, « Elliot », sorti en 2013. Rencontre avec le jeune homme qui voulait nous faire danser.
Deux ans après la sortie de son premier EP, Elliot, Marius Lauber aka Roosevelt, producteur allemand basé à Cologne, dévoile un premier album convaincant. Ce projet éponyme symbolise pour l’artiste son passage de la production de chambre, entre sampling de guitares et usure de pads, à la composition d’une musique qu’il décrit comme organique.
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Né en 1990 dans la petite ville de Viersen, aux abords de Cologne, Marius Lauber fait ses premières armes dans la musique avec ses amis du lycée et monte le groupe Beat!Beat!Beat, qui séduira le label Richard Mohlmann Records, rattaché à Universal. Une parenthèse indie pour le jeune artiste. Soutenu par le crew Greco-Roman, il se lance en solo en 2012 avec un premier morceau, Sea. Avec cet album, Roosevelt nous offre une euphorie auditive, entre musique dance, pop et disco, que l’on vous dévoile en avant-première :
Ton premier EP, Elliot, est sorti en 2013, que s’est-il passé depuis?
Roosevelt – Il y a eu un moment où on jouait l’Ep autant que possible. En 2014 après avoir fait pas mal de festivals j’ai pris du recul. Je voulais prendre mon temps pour l’album. J’ai créé mon propre studio à Cologne – jusque là c’était plus de la production de chambre, avec mon ordinateur. C’est là que j’ai commencé à travailler sur l’album.
Tu ne t’es pas lassé de tes premiers morceaux, comme Sea, présent sur l’album?
Je ne fonctionne pas sur le mode, « je fais un morceau, je le finis et passe à autre chose« . J’ai tout mélangé. De telle manière que tout semble encore frais et nouveau. J’ai sorti Hold On et Night Moves l’année dernière. Je pense que le changement dans le son est évident, ça s’éloigne des samples de batterie, pour se rapprocher du son d’un groupe classique avec de la vraie batterie, des vraies percussions.
https://www.youtube.com/watch?v=sPfkmKGOcvs
Tu as donc commencé en faisant tout tout seul. T’es-tu entouré en studio?
Non, c’est toujours seulement moi en studio, même si je voulais que l’album sonne comme l’album d’un groupe. Je ne suis pas bon quand il est question de collaborer avec des gens. En revanche, j’ai un groupe live sur scène, on est trois, c’est important pour moi parce que je ne me vois pas comme un producteur électronique.
Comment s’est passé ta collaboration avec le groupe COMA, aussi originaire de Cologne?
On partageait un studio avant que je construise le mien. Eux viennent plus de la techno. Je les ai aidés pour amplifier la batterie. C’est ce qui est très intéressant avec Cologne : des artistes qui viennent de différents genres musicaux travaillent ensemble. Ici c’est assez normal qu’un groupe de rock partage un studio avec un DJ.
En parlant de Cologne justement : c’est un bon spot pour faire de la musique?
Ce n’est pas une ville prétentieuse. Tout le monde sait qu’il ne s’y passe pas grand chose, que la ville n’est pas vraiment jolie, on n’essaie pas de vendre quelque chose qu’on n’a pas. Quand je voyage et que j’y reviens, c’est comme un village où je peux me réfugier et choisir mes influences, sans être dans une ville immense où tu peux perdre ta propre voix.
Tu n’as jamais voulu t’exporter à Berlin?
Berlin peut être une ville géniale pour la musique électronique, il y a certainement une scène électro super, parce que beaucoup de djs et de producteurs sont basés là-bas. Pour moi ça a toujours été comme si Berlin, par rapport aux clubs, essayait de vendre aux touristes ce qu’ils attendent, ça ressemble à un parc d’attraction électro.
Photo Facebook Roosevelt
Pourtant, ta musique rentre aussi dans la catégorie électro…
J’ai toujours aimé avoir des couches électroniques et mélancoliques dans ma musique, c’est certes quelque chose de permanent à Berlin. Mais cette mélancolie, je veux l’injecter dans la musique dance. Je n’ai jamais aimé les morceaux qui sont soit heureux, soit tristes. J’aime que ces deux émotions se confrontent.
En 2013, le Guardian disait de ta musique : “Roosevelt fait de la dance music pour les gens qui ne dansent pas parce qu’ils sont trop dépressifs”
Je trouve que ça sonne assez dramatique. Mais c’est ce que je veux dire quand je parle de confronter les émotions. C’est ce que j’aime autant avec James Blake par exemple, il crée les plus belles harmonies mais ensuite il les détruit avec des couches de sons bizarres. J’aime faire de la musique avec laquelle on ne sait pas comment réagir, un paradoxe se glisse en nous, entre l’euphorie et la tristesse.
Tu es né dans une petite ville en dehors de Cologne, Viersen. Comment un jeune homme commence la musique dans cet environnement?
J’avais beaucoup de temps, c’était bien de m’ennuyer, c’est pour ça que j’ai commencé à jouer de la guitare. Quand je vois maintenant un enfant de 11 ans, même à Cologne, ils ont tellement d’informations tout le temps, c’est plus dur pour eux de trouver la motivation de faire quelque chose de créatif.
C’est là-bas que s’est formé ton groupe Beat!Beat!Beat!?
Avec mes amis du lycée, oui. J’ai joué dans plein de groupes mais c’est le seul avec lequel on a sorti un album et avec lequel on a pu signer sur un label relié à Universal. On a pas mal tourné en Allemagne, il y avait une espèce de hype autour de nous. À un moment, ça ne faisait juste plus sens de continuer le groupe.
Comment s’est passé la transition de Beat!Beat!Beat à Roosevelt?
J’ai commencé à travailler dans un festival qui s’appelle c/o pop, un genre de SXSW en minuscule. J’y ai rencontré Tobias Thomas du label Kompakt. Il m’a demandé si je voulais mixer pendant sa soirée qui s’appelait Total Confusion, le genre de soirée où se mêlent pop et techno. Les derniers sons qui passaient, c’était souvent Human League ou Pet Shop Boys. À ce moment j’ai réalisé que l’indie et la techno pouvaient être mélangés de plein de manières. J’ai commencé à écouter des groupes qui pratiquaient ce mélange il y a 30 ou 40 ans, du genre les Talking Heads. C’est comme ça que j’ai trouvé mon propre son.
Tu es un peu le symbole d’une confrontation entre l’EDM et l’électro underground?
Quand je vais aux Etats-Unis, les gens pensent que je suis dans cette vague EDM, ils pensent qu’ils l’ont inventé, c’est bizarre pour quelqu’un qui vient d’Allemagne. Le problème avec l’EDM, c’est que les gens n’ont plus de patience, s’il y a deux minutes sans confettis dans les airs, ils s’ennuient déjà. Ce qui est intéressant avec la musique de club, c’est que tu peux construire une histoire avec six ou sept sons, et puis créer une rupture. C’est ce que fait Prins Thomas par exemple, ça m’a beaucoup influencé.
Comment s’est fait la rencontre avec ton label Greco-Roman ?
Ils m’ont contacté quand j’ai mis Sea en ligne. Je sais pas comment ils l’ont trouvé, parce qu’il n’avait que 100 écoutes. A la fin de 2011, ils m’ont contacté. Ils m’ont encouragé à faire plus de morceaux. Je n’avais pas prévu de commencer une carrière solo. Greco-Roman m’a encouragé à la faire, à construire un projet. J’étais chanceux de les avoir dès le début. Même si ils sont plus sur le terrain électro, ils m’ont dirigé vers de la pop.
On retrouve des sonorités disco dans ta musique, d’où ça vient?
Je pense que ça a quelque chose à voir avec le fait de grandir dans un village. Quand j’ai commencé à jouer de la musique à 14 ans, dans un groupe, internet était notre seule source de musique. Il n’y avait même pas de club. Du coup, les albums des années 80 et 70 me paraissaient aussi nouveaux que les albums du moment.
Photo Brian Vu
Mais pourquoi les années 80 et pas les années 90 par exemple?
Je pense que la musique du début des années 80 m’a influencé, parce que j’aimais l’approche pop des groupes comme Talk Talk, Human League ou Talking Heads. Contrairement aux groupes de la fin dans années 70, qui faisaient plutôt du disco classique. Même si c’était euphorisant, il n’y avait pas cette confrontation entre disco et paroles mélancoliques.
Quels groupes de Cologne tu nous conseillerais d’écouter?
Woman, ils mixent le rn’b des années 90 avec des éléments psychédéliques, ce qui est assez rare. Ensuite, je dois dire COMA, autrement ils seront énervés s’ils lisent l’interview. (rires) Il y a aussi Von Spar, surtout avec leur nouvel album, plus pop.
ALBUM Roosevelt, Roosevelt
Sortie le 19 août (label Greco-Roman)
En pré-commande ici.
Propos recueillis par Morane Aubert
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