Jason Yu, ancien assistant-réalisateur de Bong Joon-ho, signe une comédie d’horreur grinçante autour de l’arrivée d’un enfant.
Ensemble, on peut tout surmonter. Tel est le mantra – gravé sur une planche accrochée au mur – qui règne dans l’appartement de Hyun-su et Soo-jin alors que le premier commence à faire de terrifiantes crises de somnambulisme, poussant la seconde, enceinte, à tout mettre en œuvre pour éviter qu’il fasse du mal à l’enfant à naître. Une phrase toute faite, naïve et passe-partout, au cœur d’un film qui est tout le contraire, par sa dimension métaphysique et ses multiples niveaux de lecture.
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Jason Yu fut longtemps collaborateur de Bong Joon-ho ; et si cette filiation se ressent dès l’ouverture et son mélange des genres, il a résisté à la tentation de copier le maître. Du travail auprès de son aîné, il a pour sûr tiré un sens virtuose de l’espace clos, une vision d’architecte lui permettant d’exploiter chaque centimètre de son décor, mais qu’il met au service de thèmes sur lesquels Bong ne s’est encore jamais penché malgré sa longue exploration de la famille : le couple et l’arrivée du premier enfant.
Le jour, Sleep est une dramédie romantique sur une classe moyenne coréenne au très faible taux de natalité ; la nuit, il est un survival effréné faisant des crises de somnambulisme le réceptacle métaphorique de l’anxiété des jeunes parents – sécurisation totale de l’appartement, mise hors d’atteinte des objets coupants, extinction des écrans avant le sommeil…
Un cinéma de genre ludique qui, dans sa seconde partie (après la naissance), mute en pur film d’angoisse maternelle dès lors qu’entre en scène l’iconographie des violences conjugales – notamment une séquence effrayante où Soo-jin est forcée de s’enfermer avec son bébé dans la salle de bains –, renforcée par la dimension éminemment incohérente et involontaire de la menace. Autant d’aspérités gigognes qui font de ce premier long non pas la copie d’un bon élève, mais un petit coup de maître.
Sleep de Jason Yu, avec Jeong Yu-mi, Lee Sun-kyun (Cor., 2023, 1 h 35). En salle le 21 février.
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