Avec “Caroline’s Home”, maison hantée de visions miniatures, la Maison Populaire de Montreuil lance un cycle annuel d’expositions, “Kutsch”, sur la question des spectres et de l’hantologie.
La Maison Populaire de Montreuil est une maison hantée. Non qu’elle ressemble à celle du film Ring, réalisé par Hideo Nakata, ou de Poltergeist, de Tobe Hooper, où des fantômes kidnappent une jeune fille ; mais, même protégé de l’effroi des films d’épouvante, les visiteur·ices éprouvent en pénétrant le centre d’art un trouble diffus, conféré par la présence de quelques œuvres miniaturisées de cinq artistes – Fabienne Audéoud, Jean Claracq, Gaspar Willmann, Jordan Strafer et Madeleine Dujardin – qui véhiculent une forme d’inquiétante étrangeté.
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Pensée par les deux jeunes commissaires Margaux Bonopera et Jean-Baptiste Carobolante, qui partagent un attrait pour les spectres, “figures à la fois fantasmagoriques et politiques de nos sociétés contemporaines”, l’exposition Caroline’s Home inaugure un cycle annuel intitulé Kutsch, dont le projet repose sur l’envie d’interroger les spectres et l’hantologie, motifs sur lesquels l’un et l’autre réfléchissent depuis des années. Jean-Baptiste Carobolante a même écrit sa thèse en histoire de l’art sur les images spectrales, publiée aux Presses du réel sous le titre L’image spectrale. Allégorie du cinéma de spectre.
Maison hantée
À la Maison Populaire de Montreuil, leurs recherches s’incarnent dans une maison hantée par ces spectres obsédants, dont la forme se déploie discrètement, presque de manière invisible. Car la hantise de ces spectres trouve son expression cinglante dans la réduction des objets, des toiles et des architectures, plus que dans les cris ou dans le silence lourd d’une menace flottante.
Tous·tes les artistes ajustent ici leurs gestes au modèle de la maquette et de la petitesse de l’objet, à l’image de la mini-peinture de Jean Claracq, de la sculpture de livres de Fabienne Audéoud qui recouvrent un mur de leurs tranches ironiques (“séparer l’homme de mon œuvre”, “rire après cinquante ans”…), ou des poupées maltraitées dans la vidéo malaisante de Jordan Strafer.
Miniatures
La maison hantée est ici pensée comme “la spatialisation de la volonté spectrale”, expliquent les commissaires ; “elle est telle une maquette, c’est-à-dire un espace réduit à une vision, à un désir, à un cri, à une peur”. Et de préciser : “elle permet autant de contrôler le réel que de ne plus le subir”. Car la miniaturisation peut se comprendre comme un geste de résistance : “réduire ce qui nous hante c’est être en mesure de dominer ce qui, habituellement, nous englobe dans son ombre. C’est mettre à portée de regard, rendre manifeste ce que l’existence subit”. En tenant au creux de la main ce qui fait barrage à leurs existences, les artistes puisent dans les objets miniatures la ressource d’un souffle qui aurait la vertu d’un salut, comme chez Madeleine Dujardin, artiste inconnue, dont les dessins au crayon de couleur issus de la collection du musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne où elle fut internée dans les années 1950, témoignent d’une souffrance sublimée.
Caroline’s Home, Maison Populaire de Montreuil, exposition jusqu’au 6 avril
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