Quittant pour la première fois le Japon, la saga Yakuza nous emmène à Hawaii dans son excellent nouvel épisode.
“Vous êtes maintenant ami avec Sasami”. Il faut dire qu’on lui a fait un beau cadeau : du grain, ce qui a beaucoup plu à cette petite poule rencontrée entre deux bagarres contre des “chamans charlatans”, des “chanteurs médiocres” ou des “tyrans de la danse” dans les rues d’Honolulu. Bienvenue dans le neuvième volet (sans compter les nombreux spin-offs) de la série Yakuza / Like a Dragon, perçue à l’origine comme une héritière du très culte Shenmue doublée d’une réponse japonaise à GTA mais devenue avec le temps beaucoup plus que cela.
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Dans un excellent ouvrage paru en 2020 chez Third Éditions, La Saga Yakuza, Victor Moisan avait souligné la manière dont celle-ci raconte aussi depuis 2005, au fil de ses épisodes, une histoire du Japon contemporain. Mais voilà qu’avec le volet 2024, le deuxième à offrir la vedette au sémillant Ichiban Kasuga (mais où Kazuma Kiryū, le héros des premiers, tient un rôle important), Like A Dragon quitte pour la première fois le Japon.
Collision des genres
Direction Hawaii, donc, sur les traces de la mère d’Ichiban pour une nouvelle aventure-fleuve riche en rebondissements. Et en pas de côté, aussi, car s’il est bien une chose que cet Infinite Wealth réussit excellemment, c’est la collision stimulante des genres et des activités, laquelle lui donne des allures d’anthologie parodique et néanmoins soignée du jeu vidéo japonais présent comme passé.
On se retrouve ainsi dans un quasi-Pokémon dont les créatures à collectionner sont des combattants urbains comme évadés de Streets of Rage, dans une variante d’Animal Crossing sur une île ultra-polluée à aménager ou dans une simulation de livraison façon Crazy Taxi à l’ère d’Uber Eats, sans parler des jeux rétro intégrés tels quels (Virtua Fighter 3tb, Sega Bass Fishing…)ou des performances de rhythm game sur la scène de karaoké du bar qui nous sert de repaire.
Espace pop
Ailleurs, la dissonance ludo-narrative pourrait être au rendez-vous, briser l’immersion dans le récit, brouiller le commentaire social qui l’accompagne et noyer sa part mélodramatique sous une avalanche de blagues potaches. Mais pas dans Infinite Wealth, où l’hybridation ludique et les ruptures de ton sont le principe même du projet. Car les enjeux (la place de chacun·e dans le monde, la manière dont tient et se développe un collectif ou une société…) demeurent les mêmes, que les développeur·euses optent pour la partition du désespoir ou pour celle du burlesque et dissocier les deux n’aurait pas davantage de sens que d’ignorer, au cinéma, que le brutal Takeshi Kitano (qui était présent dans Yakuza 6) et le clown mal élevé Beat Takeshi ne sont qu’une seule et même personne.
Jeu-puzzle dont les pièces s’imbriquent même quand leurs formes paraissent incompatibles, l’éminemment contemporain Infinite Wealth est bien des choses à la fois : une arène de stand-up et une scène de débats, un espace pop apte à accueillir à peu près tout et n’importe quoi (signes, corps, confidences, idées…) pour le scruter et le questionner, le tordre et le retourner, pour en rire et en pleurer, en sortir moins bête et quand même hurler. C’est aussi, à bien des égards, un lieu parfait pour se ressourcer.
Like A Dragon : Infinite Wealth (Sega), sur Xbox, PS4/PS5 et Windows, environ 70 €
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