Dans son premier long métrage de fiction, la documentariste Rosine Mbakam scrute le quotidien d’une couturière de Douala précaire mais déterminée. Avec retenue et sans misérabilisme.
Après une carrière florissante dans le documentaire, la cinéaste camerounaise Rosine Mbakam fait sa première incursion dans la fiction avec Mambar Pierrette, sorte de cousin éloigné de Chez Jolie Coiffure qu’elle a réalisé en 2018. Comme dans son précédent projet, le cadrage sur un petit commerce permet de développer un territoire sédimenté sur le lien social et qui fait interagir une grande variété de personnages. Chacun·e arrive avec son témoignage et son récit de vie, le plus souvent marqués par le manque d’argent et la difficulté d’obtenir un visa.
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En périphérie, Mambar Pierrette aborde des questions liées au colonialisme, à la pauvreté et aux droits des femmes, au rejet des traditions et, en particulier, du remariage. Puisant dans ses racines de documentariste, la cinéaste fait appel à des acteur·rices non professionnel·les pour dérouler avec un sens de la soustraction admirable deux jours de lutte dans la vie de cette couturière de Douala au Cameroun. Tout comme Pierrette ne s’apitoie pas sur elle-même, le film refuse de s’enliser dans le chagrin et le misérabilisme.
Un plan récurrent de cette étude de la protagoniste sera le focus sur ses mains. Ces mains en train de coudre ou évacuant l’eau après une inondation. Une manière d’exprimer la double définition du personnage : l’action et le travail d’une vie précaire mais aussi, au cœur de ces gestes répétitifs, l’obstination inébranlable de la couturière. Et même lorsque sa machine à coudre archaïque tombe en panne, il s’agit autant de décrire la dépendance à un appareil que d’en révéler la dimension quasiment sacrée, comme dans Le Voleur de bicyclette de De Sica. Chez Pierrette, quand il pleut, il pleut à verse. Mais elle garde la tête hors de l’eau, luttant pour rester à flot avec une détermination inextinguible.
Mambar Pierrette de Rosine Mbakam, avec Pierrette Aboheu Njeuthat, Cécile Tchana (Bel., Cam., 2023, 1 h 33). En salle le 31 janvier.
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