La moitié du duo versaillais brille de toute son éloquence et de sa dextérité pianistique le temps de dix-huit romances sans paroles.
“Le piano fait de moi un être meilleur”, dit-il. À l’écoute de son meilleur album solo à ce jour, on le croit volontiers. Dix-huit démonstrations enregistrées entre 2019 et 2022 au sein du studio parisien Atlas, où l’instrument de prédilection de Jean-Benoît Dunckel s’exprime pleinement, servant ses émotions les plus viscérales.
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S’ouvrant sur la délicatesse sentimentale de Dolphin, poursuivant sur un Prélude marin aux mesures relevées, Paranormal Musicality s’inscrit dans le sillage des maîtres Maurice Ravel et Philip Glass : “Leur écriture m’inspire, confirme-t-il. Ravel me plonge dans d’innombrables couleurs harmoniques, Glass dans des rythmes qui provoquent transe et envoûtement. Davantage que pour leur virtuosité, ils sont connus pour l’excellence et le caractère de leurs compositions… Leur musique est spirituelle.”
De l’improvisation et une vision de l’au-delà
Face au piano, seule compte son inspiration qui, à l’instar de toute improvisation, laisse le champ libre à la réception interprétative de l’auditoire. “C’est la mère de toutes mes idées musicales, le premier filtre qui va me soumettre des idées d’enregistrement. Car les compositeurs sont des cascadeurs de la mélodie et doivent donc baliser le chemin avant d’enregistrer.”
Romance sans paroles, Ballade oiseau nous émeut ; d’une immédiateté toute pop, Égérie nous emporte tandis que Shine nous titille de ses espiègleries rythmiques et que Forest réveille la mélancolie chopinienne. Plus loin, Yokai incite au contemplatif…
“Tel l’algorithme d’une intelligence artificielle, notre intellect fait la synthèse de milliards d’influences”
Étudié par Dunckel au conservatoire, puis maîtrisé grâce à une professeure qui n’est plus de ce monde, le piano convoque bien plus que des notes. Il pousse le compositeur au sommet de “ses capacités sensorielles, musculaires et respiratoires” : “C’est un baromètre de santé, une fenêtre sur la profondeur de l’écriture musicale, que je redécouvre sans cesse dans les partitions que j’ose interpréter. Le piano est une de mes raisons de vivre. Quand on joue, on n’est pas seul. Spirituellement et techniquement.”
D’où ce beau titre donné aux dix-huit instrumentaux, Paranormal Musicality : “J’ai le sentiment que ma professeure disparue est encore là, il me semble entendre sa voix. D’où le mot ‘paranormal’… Nous sommes emplis du savoir génétique de nos ancêtres, nous sommes musicalement composites. Tel l’algorithme d’une intelligence artificielle, notre intellect fait la synthèse de milliards d’influences et le cœur choisit quand on le laisse dériver.”
Paranormal Musicality (Prototyp/Warner Classics). Sortie le 19 janvier. En concert avec Air à l’Olympia, Paris, le 7 mars.
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