Un tube, This Head I Hold. Un producteur surdoué, Danger Mouse. Un premier album, Mondo. Le duo californien Electric Guest est prêt pour les charts, qui ne demandent qu’à fondre devant sa pop euphorique mais légèrement flippante. Rencontre, critique et écoute.
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C’est l’histoire d’une chanson écrite dans une chambre de Los Angeles : quelques notes sur un piano pour enfant, un dictaphone et une voix haut perchée, une mélodie imparable dont les racines remontent au son Motown et aux pamplemousses californiens gorgés de soleil. Cette chanson s’appelle This Head I Hold, tube euphorique d’Electric Guest. Ce nouveau duo américain squattera bientôt les charts internationaux. Matthew Compton, premier des deux, vient de Virginie. Yeux bleus perçants, sourire timide, le blondinet a grandi entouré des albums de Merge Records et de Superchunk. Adolescent, il a fait ses premières armes de batteur dans plusieurs groupes d’indie-rock – “pour suivre mon meilleur pote”.
Asa Taccone, le second, est le petit frère de Jorma Taccone, l’une des stars actuelles de la mythique émission de divertissement américaine Saturday Night Live et membre du groupe The Lonely Island, aux côtés d’Andy Samberg et d’Akiva Schaffer. Depuis six ans, les parodies et sketchs loufoques du trio inondent internet. L’un de leurs plus célèbres morceaux, le joliment nommé Dick in a Box, interprété par Samberg et Justin Timberlake, a dépassé les cinquante millions de vues sur YouTube à sa sortie en 2006. Asa en a pour une part signé la musique, ce qui lui a valu un Emmy Awards.
Biberonné aux vinyles de ses hippies de parents – de Jefferson Airplane (dont le guitariste a donné son prénom à Jorma) à Richie Havens –, Asa a commencé à chanter dans la chorale de l’école avant de rejoindre un groupe de jazz pendant le lycée. C’est à l’université de Berkeley, dans la baie de San Francisco, que tout s’est joué. Alors qu’il parle au téléphone avec son frangin pour lui faire écouter ses dernières compositions, Jorma passe le combiné à l’un de ses potes, Brian. “J’ai fait écouter ma chanson à ce mec sans savoir qui c’était et il m’a dit : c’est cool ce que tu fais, tu devrais m’envoyer d’autres morceaux.” Le pote en question s’appelle Brian Burton. On le connaîtra quelques années plus tard sous le nom de Danger Mouse quand sortira l’incroyable Grey Album, qui remixe ensemble Jay-Z et les Beatles. Depuis, il a produit Gorillaz, The Rapture, Sparklehorse, The Good, The Bad & The Queen, les Black Keys, Beck, Norah Jones et mené d’une main de maître les groupes Gnarls Barkley, Broken Bells et l’immense projet Rome.
Les deux nouveaux amis commencent un grand ballet d’échanges d’e-mails et de MP3. Asa finit même par reprendre l’ancienne chambre de Brian dans l’est de Los Angeles où musiciens, peintres et réalisateurs cohabitent joyeusement. C’est là qu’il rencontre Matthew Compton. “Il y avait un studio dans la cave et je venais jouer de la batterie avec un des colocataires d’Asa, se souvient Matthew. Pendant qu’on enregistrait en bas, je l’entendais jouer à l’étage dans sa chambre. On a commencé à discuter et il a fini par me demander de jouer de la basse, de la batterie et de la guitare sur quelques-unes de ses chansons.” Leur premier morceau sera This Head I Hold.
Poussés par Danger Mouse qui propose de produire leur premier album, les deux complices se mettent au travail dans la maison où habite Asa, puis dans le studio de Brian, dont le surnom, Mondo, donnera son titre au disque. “Brian n’est pas le genre de type qui te dit pourquoi tel ou tel truc ne fonctionne pas. Il va seulement lâcher ‘non, ça, je n’aime pas’. A toi de comprendre pourquoi. Il nous a beaucoup aidés et nous encourage depuis le début. Il vient à tous nos concerts, sans exception. Une fois, il a fait cinq heures de route pour venir nous voir au fin fond de l’Arizona !”, raconte Asa.
Si la patte de Danger Mouse y est bien identifiable, Mondo représente avant tout le premier album de deux garçons qui ont voulu faire tenir cinquante ans d’histoire de la musique dans un seul disque. Souvent euphorique, parfois contemplatif, Mondo s’aventure aussi bien sur les terres du jazz et de la soul (This Head I Hold, Under the Gun) que sur celles de la power-pop (Waves) et du sunshine-folk de The Mamas & The Papas (Awake). Il se permet toutes les extravagances, comme ce mélancolique Troubleman de neuf minutes à l’origine composé de trois demos différentes.
Pop pour jours d’été, Mondo est pourtant plus tordu qu’il n’y paraît lorsqu’on se penche un peu sur ses paroles chantées d’une voix à la justesse sidérante. “Oh en amour, je suis juste un animal”, lâche le si paisible Asa dans American Daydream dont le clip se termine par le meurtre violent d’une jeune fille convoitée. “Je crois que la culture américaine balance toujours entre la belle photo lisse et la perversité. Nos chansons reflètent tout ça : elles ont ce côté mélancolique, angoissé, sombre, voire carrément flippant, alors que notre musique est plutôt joyeuse”, analyse Taccone. Si joyeuse qu’elle provoquera bientôt une vague de bonheur mondial dont l’irrésistible This Head I Hold sera la meneuse. Pas mal pour une chanson née dans une chambrette de Californie.
Concerts : le 21 mai à Paris (Cigale) en première partie de Charlotte Gainsbourg, le 22 mai à Paris (Maroquinerie), le 30 juin aux Eurockéennes de Belfort
Dans le bain des Eurockéennes
Les Californiens joueront le samedi 30 juin aux Eurockéennes de Belfort, un concert “supported by Les Inrockuptibles”. Ils rejoindront Busy P, Sebastian, Justice, Kavinsky, Die Antwoord, Miike Snow, Kindness, Mastodon, Django Django ou The Cure à l’affiche ce jour-là. Kem Lalot, programmateur du festival, explique son coup de coeur pour Electric Guest : “Un agent nous a envoyé un lien avec quatre morceaux il y a environ six mois. Avec Christian Allex, qui s’occupe de la programmation avec moi, nous avons été tout de suite séduits par le son de ce jeune groupe et par la production impeccable du gourou Danger Mouse. Le titre This Head I Hold est devenu un tube au bureau… On le passait sans cesse et tous les collègues venaient nous voir en disant ‘C’est quoi ça ? C’est mortel !”
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