Quels livres la rédaction des “Inrockuptibles” mettra sous le sapin cette année ? Chaque jour jusqu’au 24 décembre, un·e journaliste partagera son choix. Aujourd’hui, le critique Bruno Deruisseau nous présente “Peau. À propos de sexe, de classe et de littérature” de Dorothy Allison.
Découverte en France à la fin des années 1990 par Guillaume Dustan via sa collection Rayon Gay, l’œuvre de Dorothy Allison n‘a pas encore toute l’attention qu’elle mérite. Outre l’excellent Trash: vilaines histoires et filles coriaces enfin traduit, l’an dernier, par les éditions Cambourakis, on lui doit deux romans (L’histoire de Bone et Retour à Cayro) et une poignée d’essais, dont Peau. À propos de sexe, de classe et de littérature qui a été retraduit en enrichit par la même maison d’édition en 2015. L’ouvrage vient de paraître en format poche, une nouvelle occasion de découvrir une auteure absolument majeure dans le paysage queer contemporain.
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Une écriture sensuelle et poétique
Composée des dix-sept textes de l’édition de 1999 et enrichie de sept inédits, la traduction de 2015 a fait le choix fort de refuser le masculin soit disant universel pour préférer une écriture inclusive, qui non seulement respecte l’engagement féministe de l’auteure, mais prouve avec éclat qu’un tel procédé enrichit la lecture plus qu’il ne l’alourdit.
Née en Caroline du Sud, dans une famille de white trash, Dorothy Allison y livre, dans une langue éclatante de justesse et de beauté, le récit de son transfuge de classe et des conséquences de l’inceste commis par son beau-père. Elle pose aussi les fondations d’un féminisme lesbien radical, intersectionnel et pro-sexe qui passe par la pratique de la littérature comme vecteur d’émancipation. Si la façon dont elle revendique son origine prolétaire et son identité queer anticipe de quatorze ans la démarche sociologique d’un Didier Eribon, son écriture est aussi d’une poésie hallucinante, notamment les parties les plus érotiques du livre, sublimes.
Peau. À propos de sexe, de classe et de littérature, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Milon et Camille Olivier. Éditions Cambourakis, collection Sorcières, paru le 4 octobre 2023, 312 pages, 13,50 €.
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