Le second volet du blockbuster de cape et d’épée confirme une adaptation de bonne tenue, mais pave la route à une franchisation dont on redoute d’ores et déjà l’effet de lassitude.
Le plaisir est intact, même si la surprise, elle, est émoussée : six mois après D’Artagnan, l’adaptation par Martin Bourboulon des Trois Mousquetaires confirme sa plutôt bonne tenue. Il serait excessif de parler de réussite éclatante, et plus juste du miracle d’un blockbuster français qui ne nous fait pas honte, semblant nous dire : c’est possible.
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Enfiler des costumes d’époque à des superstars hexagonales, les soumettre à un programme exigeant d’entraînement physique et de chorégraphies d’action, leur faire dire un texte plutôt littéraire, bref les déréaliser, les déplacer dans un bain de pure fiction, d’imaginaire, de pyrotechnie, et là-dedans, échapper inespérément au sempiternel rendu parodique et nanardeux auquel semblent condamnées toutes les tentatives françaises de cinéma à grand spectacle depuis des années, voire des décennies. C’est possible – à condition de ne pas demander à François Civil de jouer une grande scène tragique, ce qui est hélas ici le cas.
Des ambitions conquérantes
À quelques petits loupés de ce genre près, Milady se pose même un peu au-dessus de D’Artagnan, tant cette suite résout, d’une part, certaines grossièretés formelles du premier volet (Bourboulon a notamment ajusté son étalonnage pour un résultat moins gadouilleux), et surtout fait corps avec la complexité politique et conspirationniste du roman de façon plus franche. Charpenté autour d’une quête primitive, quasi féodale, à savoir une damoiselle à sauver – Constance Bonacieux, capturée à la fin du précédent volet juste après avoir rendu la promesse de son amour à D’Artagnan –, le film prolifère à la façon d’un grand récit d’espionnage, où tous les personnages semblent jouer pour tous les camps à la fois, et où chaque péripétie semble déplacer des pions dans les deux sens. On pourrait presque y trouver une réponse au simplisme pachydermique de Napoléon : Bourboulon prouve que conjuguer adhésion des spectateur·ices, densité de l’intrigue et souffle de l’Histoire n’est pas une équation insoluble – bien aidé certes pas Dumas, qui revendiquait lui-même de bien pouvoir “violer l’Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants”.
Voilà donc lancée une machine dont on n’a encore qu’entraperçu l’envergure, et qui compte bien lancer le fonds de droits dumassien dans la grande arène du divertissement mondial. La sortie à l’automne prochain du Comte de Monte Cristo porté par Pierre Niney n’est déjà plus, loin s’en faut, le seul horizon de ce Dumas Cinematic Universe dont les deux opus de Bourboulon, et des producteurs Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, ont posé les fondations. Des séries (aux ambitieux titres internationaux : Milady Origins, Black Musketeer sur le personnage d’Hannibal incorporé ici à un roman dont il était absent, mais inspiré d’une véritable figure historique, le prince Aniaba), et des films tirés des suites littéraires (Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne) se sont ajoutés au menu d’un programme anticipé qui n’a plus rien à envier à une conférence de presse Marvel au Comic-Con, et auquel un improbable cliffhanger fait déjà ici un appel du pied en épilogue.
Une ambition face à laquelle on tire bien volontiers notre chapeau à plumes, mais dont on doute néanmoins de l’endurance à moyen terme. Si la réussite des Trois Mousquetaires est actée, elle est aussi très monochrome et indistincte : aucun personnage ne se détache véritablement à l’avant-plan d’un spectacle parfaitement homogène, et dont la surexploitation en suites saurait difficilement se contenter d’un principe de continuité. Deux indéniables réussites, néanmoins dépourvues du moindre supplément d’âme : c’est chose faite. Trois, ou plus : ce sera trop. Un film, un vrai ? C’est ce qu’on se pique désormais d’espérer.
Les Trois Mousquetaires : Milady de Martin Bourboulon. Avec François Civil, Vincent Cassel et Romain Duris. Sortie en salles le 13 décembre 2023.
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