Si Les Vulves assassines ont plié le game en France, elles sont loin d’être les premières à célébrer le sexe féminin dans leur matronyme. Parce que le milieu du rock reste désespérément phallique, on a voulu rendre hommage à celles – et ceux ! – qui ont décidé de célébrer la vulve, la moule, la foufoune, la fente, bref, la chatte, en l’affichant haut et fort dans le nom de leur groupe.
1. Les Vulves assassines
Depuis dix ans, Les Vulves assassines traînent, l’air de rien, l’un des meilleurs noms de groupe en France depuis l’invention de la guitare électrique. Ce trio punk qui fait dans le social, devenu le chouchou des manifs avec des hymnes sur la réforme des retraites ou le capitalisme, n’a évidemment pas choisi son matronyme au hasard, et affirme qu’en 2023, afficher et diffuser le mot “vulve” est encore éminemment féministe et politique. “Vulve, c’est dégueulasse. Ça fait peur. Alors que c’est le nom du dico, propre. On a moins de mal à dire ‘chatte’, ‘schneck’, ‘moule’… On a tellement ignoré l’existence de cet organe, dans la langue, mais aussi dans la pratique, que domine encore l’emploi de termes métaphoriques souvent extrêmement connotés. Mais on va vers du mieux“, nous confiaient récemment DJ Conant et MC Vieillard dans une interview. D’ailleurs, on ne vous le cache pas : sans elles, nous n’aurions jamais eu l’idée de ce classement.
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2. The Slits
Formé à Londres en 1976, l’un des premiers groupes féminins de punk a choisi de s’appeler The Slits, alias “Les Fentes” en français. Si des hommes ont rejoint le groupe au gré des changements de line up, celui-ci a continué de célébrer le sexe féminin jusqu’à sa séparation en 1982, puis lors de sa reformation au début des années 2000, avant que sa chanteuse historique, Ari Up, alias Ariane Foster (dont le beau-père n’est autre que John Lydon des Sex Pistols), ne décède à 48 ans d’un cancer du sein, en 2010.
3. La Chatte
Il est vrai que pour expliquer l’origine du nom de son groupe, dont elle décrit la musique comme de l’“électro zouk punk new wave”, l’artiste pluridisciplinaire française Vava Dudu (qui est aussi créatrice de mode et a travaillé pour Lady Gaga, Björk ou Courrèges) n’évoque pas l’organe génital féminin. La formation qu’elle incarne depuis 2003 avec Stéphane Argillet et Nicolas Jorio fait plutôt référence à Bastet, la déesse égyptienne des femmes au corps de félin. Bastet, c’est d’ailleurs le titre du deuxième album du groupe, paru en 2011. Mais on ne sait pas pourquoi, on se dit que Vava Dudu, esprit punk et facétieux assumé, ne trouverait rien à redire à ce que l’on pense en premier, en évoquant son groupe, à un sexe.
4. The Muffs
Créé au début des années 1990 sur les cendres du groupe féminin de punk californien The Pandoras par deux de ses ex-membres, Kim Shattuck et Melanie Vammen, The Muffs est au départ un quatuor strictement paritaire comprenant aussi deux hommes, le batteur Criss Crass et le bassiste Ronnie Barnett. Il semble pourtant que le féminin l’ait emporté sur le masculin, puisque la formation de Los Angeles s’est joliment baptisée The Muffs, que l’on pourrait traduire par ”Les Foufounes” ou “Les Touffes”. Devenu trio après le départ de Melanie Vammen au milieu des nineties, le groupe a sorti des albums jusqu’en 2019, année où la frontwoman Kim Shattuck, qui a aussi officié comme bassiste des Pixies en 2013, a succombé à la maladie de Charcot.
5. Pussy Riot
Dans le documentaire Pussy Riot, Rage Against Poutine, réalisé par Denis Sneguirev et disponible jusqu’au 26 janvier 2024 sur France TV, la cofondatrice Ekaterina Samoutsevitch, alias Katia, explique le choix de ce patronyme lors de la création du collectif russe en 2011 : “‘Pussy’ renvoie d’une part au porno, qui était très populaire à l’époque en Russie, et ‘riot’, c’est une rébellion contre cette image féminine si typique en Russie.” Devenue symbole de la rébellion anti-Poutine avec ses happenings hautement politiques qui ont mené certain·es de ses membres, féminins comme masculins, derrière les barreaux ou à deux doigts de l’assassinat, cette “émeute de la chatte” a forcé le respect à travers le monde pour son courage et sa radicalité.
6. Fanny
D’abord baptisé Wild Honey, ce groupe de hard rock californien des années 1970, le premier à être composé uniquement de femmes et à sortir un LP sur une major (Reprise Records, label de Warner), s’est renommé Fanny à la veille de l’enregistrement de son premier album. Désigné comme “l’un des groupes féminins les plus importants du rock américain” par David Bowie, le projet lancé par les sœurs d’origine philippine Jean et June Millington se situait déjà à l’intersectionnalité des luttes il y a 50 ans, puisque ses membres ont autant eu à affronter le sexisme que le racisme ou l’homophobie, deux de ses membres étant lesbiennes. Si en anglais fanny signifie désormais “chatte” dans le langage familier, le nom faisait au départ plutôt référence au prénom féminin qui, lui, signifie “libre” en latin.
7. Hole
On ne présente plus Hole, le groupe de Courtney Love (avec à ses côtés différents membres selon les époques, dont le fidèle Eric Erlandson, Patty Schemel ou Melissa Auf der Maur), qui a donné naissance à l’un des plus grands albums de rock des années 1990, Live Through This (1994). Si Courtney Love a expliqué à la BBC en 1992 que le nom de sa formation était une référence à la tragédie grecque Médée d’Euripide, cette explication ô combien lettrée ne changera rien à l’autre interprétation féministe que l’on peut aussi en faire : puisque hole signifie “trou”, le vagin n’est pas bien loin.
8. Pussy Galore
Ce groupe de Washington D.C. fondé en 1985 et comprenant dans sa formation originelle les musicien·nes Jon Spencer (qui, cinq ans plus tard, créera le Jon Spencer Blues Explosion), Julia Cafritz et John Hammill, a emprunté son nom au célèbre personnage de James Bond interprété par Honor Blackman dans Goldfinger de Guy Hamilton (1964). Issue du roman de Ian Fleming, cette cambrioleuse professionnelle et lesbienne est affublée d’un pseudo qui signifie “chatte à gogo”. Un excellent nom de groupe, on en convient.
9. UltraMoule
Les Vulves assassines nous ont orienté·es en interview vers ce groupe qui nous était inconnu jusqu’alors, mais qui méritait bien sûr, rien que pour son nom formidable, une place dans ce top. Ce trio lyonnais, qui se revendique aussi bien de Stupeflip que de Sexy Sushi ou Philippe Katerine, fait dans la dentelle jusque dans les titres de ses morceaux, comme Bouge ton boule ou Lèche-moi la verge. Quant aux paroles de Mozart War Ein Punk, heureusement qu’elles sont en allemand.
10. Les Vaginites
Créé en 2020 par l’actrice Corinne Masiero et les deux sœurs musiciennes Audrey et Stéphanie Chamot, Les Vaginites est un groupe de punk à visée militante, puisqu’il utilise la musique pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles ainsi que l’inceste, dont ses membres ont été victimes. Derrière l’apparente potacherie du trio se cache un discours puissant et sans concession, et une reprise de pouvoir aussi politique que thérapeutique. En 2023, Les Vaginites ont fait l’objet d’un documentaire de Christian François, Nous les femmes. L’art qui répare, qui sera disponible en replay sur le site de France TV dès le dimanche 17 décembre.
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