L’autrichienne met en scène une dizaine de performeuses le temps d’un ballet sulfureux.
La sylphide est une créature éthérée, parangon du ballet romantique du XIXe siècle. Autant dire une autre époque. Il n’y pas de sylphide dans Tanz de Florentina Holzinger, enfin pas vraiment. Pourtant, deux heures durant, des ballerines s’élèveront sur des pointes rouge sang comme échappées d’un giallo de Dario Argento, le chignon défait. Quant à la barre classique, elle sera assurée par une professeure de 82 ans, l’incroyable Beatrice Cordua.
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En deux actes, mêlant le réel et le surnaturel, Holzinger dézingue la danse académique autant qu’elle la chérie, revendiquant une définitive autonomie des corps. Du temps de sa “splendeur”, le flamand Jan Fabre imposa au monde ses “guerriers de le beauté”, pas si éloignés. Mais là où Fabre entendait manipuler les corps, Florentina Holzinger rend aux femmes le pouvoir. “Fini de simuler vos orgasmes, l’époque a changé”, balance Cordua.
Discipline transgressive
Tanz part donc d’une grammaire codifiée, héritée du ballet romantique, avec force pliés et ronds de jambe pour finir sur une autre planète, quelque chose comme le triomphe des amazones. Le culte de la beauté, partagé par beaucoup dans le milieu de la danse, en prend un coup. Sur le plateau immaculé – qui ne le restera pas longtemps, on s’en doute, la créatrice invite des personnalités aux multiples aptitudes, cascadeuses, danseuses, motardes.
Avec un sens de la mise en scène affirmé, Florentina Holzinger plonge son rituel dans un grand bain d’hémoglobines. Viscères, accouchement, masturbation, même si ici tout est simulé, Tanz ne fait pas dans la dentelle. Ou le tutu, si prisé des chorégraphes des siècles passés. Âmes sensibles, s’abstenir. Mais certaines images marqueront les esprits, telle cette soliste capillotractée et s’élevant dans les airs. Florentina Holzinger donne également de sa personne, au plateau comme dans un monologue convoquant le spiritisme. Sa manière de jouer avec le public, sans provocation, s’apparente à du grand art comme ce soir-là à Zurich. On n’en dira pas plus.
Le second acte de Tanz n’a, hélas, pas tout à fait la force du premier. Comme si la troupe se tenait au bord d’un précipice d’idées. Néanmoins, cette pièce à la beauté sauvage ne laissera pas indifférent. Arme de distraction massive, la danse de Florentina Holzinger n’est en définitive pas si éloignée de cette “révolution” stylistique propre au ballet romantique. Les pointes alors permettaient à la danseuse de flotter dans les airs, ou plus exactement d’en donner l’impression. Les frondeuses de Tanz, à leur tour, survolent les débats dans un rituel féministe de haute tenue. Au risque de vous éclabousser de leur… talent.
Tanz de Florentina Holzinger à la Grande Halle de la Villette, Paris, du 14 au 16 décembre 2023.
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