Itsaso Arana signe un beau plaidoyer pour apporter une réflexion double, tant sur la représentation du corps féminin que sur le déroulement du tournage d’un film et du rôle de l’œuvre finale.
On pourrait distinguer deux grands courants de cinéastes. Celles et ceux qui veulent retranscrire fidèlement l’énergie et les pulsations de ce grand chaos qu’est un plateau de cinéma, en enregistrer la réaction chimique à l’œuvre et la faire déborder à chaque image ; et celles et ceux qui vont refaçonner cet effrayant désordre grâce aux fards du cinéma, et en révéler l’harmonie.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le premier film d’Itsaso Arana, visage familier du cinéma de Jonás Trueba (La Reconquista, Eva en août et Venez voir), se range définitivement dans la seconde catégorie. De son ami et fidèle collaborateur madrilène, la réalisatrice redéploie la fantaisie hédoniste au récit épuré, à laquelle elle adjoint ici une exploration du féminin et un laboratoire créatif.
Le cinéma autrement
Quatre actrices et une autrice (interprétée par la cinéaste elle-même) font une résidence dans un vieux moulin en été, avec l’intention de travailler sur une pièce de théâtre. Astucieusement, le film floute les frontières entre documentaire et fiction, personnes et personnages, et les répétitions deviennent petit à petit le miroir de son propre processus créatif. Il s’agit alors de réinventer deux vieux mythes. Sur scène, repenser l’imaginaire des contes de princesses qui ont tant conditionné le corps féminin ; derrière la caméra, abandonner définitivement cette idée du plateau comme laboratoire qui légitimerait une certaine violence physique ou psychologique pour faire émerger la création.
Itsaso Arana peint la féminité et le déroulement d’un tournage comme une expérience collective qui réconcilie, panse les blessures en même temps qu’elle documente l’existence (ce foudroyant monologue lancé face caméra par l’actrice Bárbara Lennie qui déclare à son futur enfant : “Les films sont des lettres pour l’avenir”). Les filles vont bien, c’est une lettre en même temps que le pari de faire des films autrement.
Les filles vont bien d’Itsaso Arana, avec Bárbara Lennie, Irene Escolar, Helena Ezquerro (Es., 2023, 1 h 26). En salle le 29 novembre.
{"type":"Banniere-Basse"}