Marion Montaigne s’intéresse aux dinosaures dans un livre où elle confie ses angoisses et sa vocation, brimée, de scientifique.
Cela fait près de quinze ans que l’on se sent un peu plus intelligent en lisant les bandes dessinées de Marion Montaigne. En 2008, elle crée en effet son blog Tu mourras moins bête où elle répond à des questions comme “si une bombe atomique est envoyée sur Paris, ai-je une chance de survivre ?” ou “est-ce que la téléportation est bientôt au point ?”.
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Dans ses publications, réunies en cinq tomes, l’autrice française met au point la recette de sa vulgarisation inégalée en mélangeant son sérieux scientifique avec un humour délirant et des références à la culture pop.
Humain·es après tout
Au début de Nos mondes perdus, après qu’un dinosaure a crié à la “fake niouze” devant une chaîne d’info annonçant une “alerte météorite”, elle livre le secret de sa vocation : si elle se documente, va dans des laboratoires et rencontre des spécialistes, c’est pour lutter contre les angoisses existentielles qui se saisissent d’elle dès qu’elle réfléchit à l’avenir de l’humanité. Justement, si celle-ci connaît son extinction, comment nous imagineront les espèces intelligentes survivantes ? En procédant comme les hommes avec les fossiles des dinosaures ?
Marquée par Jurassic Park, Marion Montaigne réalise ici une enquête dans le passé pour reconstituer l’invention chaotique et plutôt virile de la paléontologie. Les Français Buffon et Cuvier, les Anglais Buckland et Owen ont rivalisé à la fois d’intuition et de carriérisme pour laisser leurs noms gravés dans la grande histoire, poussant systématiquement hors cadre, et en s’appropriant au préalable leur travail, les femmes qui ont pu croiser leur chemin, comme l’autodidacte Mary Anning.
La dessinatrice souligne aussi le rôle ambigu qu’ont joué les artistes dans la représentation des dinosaures. Cette relation entre science et art constitue d’ailleurs le fil rouge de cette BD aussi instructive que drôle. Dans les séquences autobiographiques qui ponctuent Nos mondes perdus, Marion Montaigne revient sur le moment où ses parents ont refusé de la voir entamer des études scientifiques. Pas grave, c’est avec son crayon qu’elle est arrivée à ses fins.
Nos mondes perdus de Marion Montaigne (Dargaud), 208 p., 24,50 €.
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