L’écrivaine réactive deux de ses personnages pour creuser en miroir deux parcours de vie dissemblables et inattendus.
Deux filles, deux destins. Rose et Solange étaient d’inséparables amies d’enfance dans leur village de Clèves, au Pays basque. Au début du roman, elles sont adultes. Solange est à Hollywood et fait la une des magazines. Rose est chez elle, en France, avec son petit ami du lycée devenu père de ses enfants. Et Marie Darrieussecq rembobine leurs vies.
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Il faut la maîtrise de l’autrice de Clèves pour construire sans tomber dans les clichés ces personnalités de filles nées au même endroit mais pas dans le même milieu social. La focale est d’abord centrée sur Rose, puis sur Solange, et leurs destins qui semblent tout tracés – Rose la bonne élève, Solange enceinte à quinze ans – ne le sont en réalité pas du tout.
Darrieussecq observe avec minutie les différences de classe, les ambiances familiales, les secrets dans les placards, les angoisses intimes de l’adolescence. Elle met en scène hasards et déterminismes pour montrer des femmes en devenir, proies d’un monde qui les dominent, et leur désir de s’émanciper. Les grandes thématiques féministes, présentes depuis toujours chez elle, sont ici rassemblées dans un texte post-MeToo qui contient toute la colère de Truismes, son premier roman paru en 1996.
Fin d‘une époque
Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. Dans cette fin de XXe siècle qui sert de toile de fond au roman, avec l’apparition du sida, la musique des Rita Mitsouko, l’inauguration de l’Eurostar. Du Pays basque à Los Angeles en passant par Bordeaux, Paris et Londres, se raconte l’histoire collective de toute une génération. Et l’essentiel est aussi dans cette construction en miroir qui confronte les réalités de Rose et Solange. Leurs vies sont observées selon leurs deux points de vue, selon un dispositif qui permet un regard à la fois objectif et subjectif.
Mais l’essentiel est sans doute encore ailleurs : Darrieussecq semble ici retourner dans plusieurs de ses romans précédents et nous en révéler des détails cachés. Pas seulement parce qu’on retrouve ses deux héroïnes récurrentes, Rose et Solange. On peut établir des liens avec Tom est mort (2007) ou Le Pays (2005) et des scènes lues dans Clèves ou dans Il faut beaucoup aimer les hommes (2013) surgissent sous nos yeux.
Fabriquer une femme de Marie Darrieussecq (P.O.L), 21 €. En librairie le 4 janvier.
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