Réunissant les plus influents toqués de la scène noise new-yorkaise, ce supergroupe a sorti en août dernier l’album glam-punk de l’année.
Si l’album Spend the Night With… a pourtant était accueilli en France avec une certaine indifférence, on a profité du récent passage à Paris de Cheena pour discuter un peu et réparer cette grande injustice. Rencontre à la Mécanique Ondulatoire, dans le 11e arrondissement de la capitale.
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Vendredi 2 décembre, Paris. Le tour van des New-Yorkais de Cheena arrive sans encombre de Lyon, où ils donnaient un concert la veille, dans la salle du Trokson. Plutôt une bonne nouvelle pour un groupe qui, quelques jours plus tôt, s’est retrouvé interpellé à la frontière slovène, avant de subir une fouille anale en règle. « La barrière était ouverte, alors on a roulé » nous confie Walker Behl, le chanteur. C’était sans compter la susceptibilité de la Slovénie quant au franchissement intempestif de la frontière qui la sépare du voisin Croate, elle qui, l’année dernière, y déployait son armée pour faire face au flux de migrants.
« Notre meilleur moment live… »
« La nuit dernière, on a probablement eu notre meilleur moment live tout groupe confondu », lâche Keegan Dakkar, affalé près du micro-onde de la loge artiste de la Mécanique Ondulatoire. En prise avec un mal de bide dû à un plat chinois avalé quelques heures plus tôt dans le quartier de Bastille, Logan Montana, à la slide guitare, va dans le sens du bassiste affublé d’une casquette de l’équipe de baseball White Sox de Chicago : « C’est vrai qu’hier on a joué super fort et je me rappelle qu’il faisait super chaud. Il n’y avait pas vraiment de scène, tout le monde était ensemble ». Walker, chemisette motif léopard, coupe à la Axel Rose jeune et lunettes Aviator comme Hunter Thompson, y va aussi de son petit commentaire, arguant que l’engouement du public l’avait galvanisé, tandis que Margaret Chardiet, à la lead guitare, rajoute que la cave voûtée de la Méca’ ressemble étrangement à celle du Café Trokson, où Cheena jouait la veille.
« J’ai même vomi » renchérit Logan. « C’est pas vraiment un bon show si tu vomis pas », se marre-t-il. Eugene Terry, le batteur, ne dit rien mais n’en pense pas moins…
Plutôt du genre glam ou country ?
Tout ce petit monde a sorti cette année Spend the Night With…, un album glam-punk tellement conscient de son passéisme qu’il en devient jouissif. Un classique proto-punk qui n’aura rien inventé en 2016, mais qui respecte à la lettre les préceptes stoogiens selon lesquels un bon album de rock ne doit pas dépasser trente minutes chrono. Et pendant ce laps de temps, le quintet de New-York City dispense une poignée de morceaux que ne renieraient pas les New York Dolls et qui trouveraient allègrement leur place dans une compilation Ork Records, quelque part entre un titre des Feelies et de Richard Hell. Comme le single Car, qui rassemble l’urgence d’un groupe californien comme Black Flag et le glam d’une soirée droguée et alcoolisée au club mythique du CBGB’s à NYC en 77. L’influence East Coast l’emportant à tous les coups.
Pourtant, derrière cette facilité déconcertante à sonner de façon si évidente, se dissimule un groupe au multiples ramifications. Estampillé « supergroup » par la presse étrangère, Cheena est en réalité un conglomérat de membres issus de formations noise et hardcore de la scène underground new-yorkaise. Comme Pharmakon, projet solo de Margaret Chardiet, dont l’écoute du dernier album, Bestial Burden (2014), évoque une opération chirurgicale sans anesthésie, dans une cabane pourrie au fond d’une forêt, encore plus sombre que la dimension Upside Down de la série Stranger Things.
Une expérience sonore qui tranche radicalement avec les ambitions limite burlesques de Cheena. « On parlait de faire un projet ensemble sans vraiment savoir ce qui allait en ressortir », nous explique Keegan. « On ne voulait pas se dire, okay : on va sonner comme ci ou comme comme ça », précise Eugene. « De toute façon » lâche Walker, « quand t’es dans un groupe et que tu te dis que tu vas sonner de telle manière, au final ce n’est jamais ce à quoi tu t’attends ». « Moi, j’étais plutôt country, à cause de la slide guitare » marmonne Logan dans son coin. Walker se marre et finit par avouer qu’en réalité, dès le départ, il voyait Cheena comme un groupe glam.
Meet Cheena…
Malgré les divers champs d’expérimentation des uns et des autres, Cheena ne tombe jamais dans la synthèse bancale des influences de chacun de ses membres, au profit d’un projet complètement original qui coupe dans le vif. Les obligeant ainsi à s’éloigner des sentiers qu’ils ratissent depuis maintenant des années. Eugene Terry se réjouira d’ailleurs à plusieurs reprises de constater que l’album est complètement différent de tout ce qu’ils avaient pu faire avant de leur côté. Au final, Spend the Night With… ressemble à un nom d’album sixties façon Meet the Beatles, avec une pochette sous forme d’invitation à passer un moment cool avec un groupe qui mange des pizzas avant de sortir toute la nuit du côté de Ludlow Street, à NYC.
« Sur la pochette, on était censé poser en train de manger de la bouffe italienne dégueulasse, avec des chiens réunis autour d’une table » rigole Walker. « Avec le nom Spend the Night With…, on trouvait que ça faisait une bonne blague. »
Logan Montana, toujours un peu en décalage, rapporte qu’il aime l’idée d’avoir une pochette qui ressemble à celles des Monkees, où l’on voit le groupe sous un jour festif.
« Finalement » conclue Walker, « nos chansons parlent de faire des trucs débiles à New York City et la pochette évoque bien cette idée. »
Pas plus compliqué que cela.
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