Incisif, frondeur, hyper inventif formellement, le cinéma de Guitry n’a pas pris une ride. 11 films ressortent en salles ce 1er novembre, des plus connus comme “Le Roman d’un tricheur” ou “La Poison” aux perles rares comme “Faisons un rêve” ou “Donne-moi tes yeux”.
Onze films de Sacha Guitry ressortent en salles ce mercredi 1er novembre, en copies restaurées. Il faut les voir, parce que Guitry est un des cinq cinéastes français les plus grands et les plus éternellement modernes de tous les temps. Moderne, parce qu’il fut avant tout inventeur de forme, lui qui dès 1915 accompagnait les projections de Ceux de chez nous, sorte de vue Lumière sur les grands artistes français d’alors (Renoir, Monet, Rodin…), d’une voix off déclamée in situ, treize ans avant le parlant. Et qui plus tard sera Hitchcock avant Hitchcock (Faisons un rêve, grand plan-séquence en apnée dans un appartement en huis clos, douze ans avant La Corde), Welles avant Welles (l’art du générique parlé et mis en scène, qu’il magnifie et renouvelle sans cesse, et que Godard aussi lui reprendra), Bresson avant Bresson (la frontalité, la transparence, la nudité absolue – il reconnaîtra d’ailleurs son héritier et lui fera des compliments sublimes : “Pas de recherches ! Des trouvailles”), sans jamais rien chercher à être de tout cela, ne revendiquant ni la sophistication du style, ni la profondeur théorique, caché derrière un dandysme feignant d’ignorer sa propre intelligence.
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Il faut, bien sûr, pour une séduction instantanée, commencer par la période dorée : la fin des années 1930 où Guitry, star des planches sortant d’une fâcherie de 20 ans avec le cinéma, le réinvestit sur l’insistance de sa compagne Jacqueline Delubac et le conquiert instantanément, enchaînant avec une vitesse surhumaine des trésors de légèreté, d’habileté d’esprit, d’ingénuité de la langue, de cruauté facétieuse : Mon père avait raison, Faisons un rêve, et son film le plus célèbre, Le Roman d’un tricheur, qui n’a qu’un seul défaut – Guitry y parle en off mais apparaît peu.
Regard de sphinx
Cependant il faut continuer le chemin dans les ténèbres où son cinéma s’est aventuré au lendemain de la Guerre, dont il ressort terni par des accusations déshonorantes de collaboration et dont il fut innocenté deux fois. Les Acacias, qui distribuent cette rétrospective intitulée “Le génie Guitry”, accordent une large part à ce Guitry critique et vénéneux, plongeant son regard de sphinx dans une société française dont il se plaît à révéler les hypocrisies morales (La Poison, chef-d’œuvre de manipulation perverse sur un procès pour féminicide), explorant des figures historiques malmenées par le va-et-vient des régimes (Talleyrand dans Le Diable boiteux).
À part à celui de l’élégance, du verbe, et de la France (dont il célébra toute sa vie le génie artistique et reconstitua l’histoire à la télévision pour des générations d’enfants), Guitry n’appartint jamais à aucun courant, ne fut l’ami d’aucun cinéaste, à l’exception notable de Cocteau, et menace donc toujours de disparaître des histoires du cinéma. Voyons, revoyons ses films, qui ne galvaudent pas le terme de “génie”.
Le génie Guitry, rétrospective en 11 films, en salles le 1er novembre : Ceux de chez nous, le Roman d’un tricheur, Mon Père avait raison, Faisons un rêve, le Mot de Cambronne, Ils étaient neuf célibataires, Donne-moi tes yeux, le Comédien, le Diable boiteux, le Trésor de Cantenac, la Poison, en salles.
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