C’est devenu un rendez-vous automnal immanquable : chaque année, à l’approche d’Halloween, Mike Flanagan dégaine une nouvelle série sous pavillon Netflix, ajoutant une pierre supplémentaire à l’imposant édifice qu’est devenu le ”Flanaverse”.
À savoir, des séries horrifiques à taille humaine et au délicieux charme néo-gothique, réemployant une galerie d’acteur·ices devenu·es familier·ères, et sculptant dans la matière spongieuse de nos cauchemars, des histoires de fantômes qui terrifient finalement moins qu’elles nous ébranlent.
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Après les superbes The Hauting (Hill House en 2018 et Bly Manor en 2019), les désarmants Sermons de Minuit en 2021, et la touchante Midnight Club l’an dernier, le show runner devenu grand manitou de l’horreur netflixienne, revient avec La Chute de la maison Usher, annoncée comme l’apothéose du Flanaverse, et sa série-somme, où tournoient toutes ses obsessions.
Un grand classique avec un prisme contemporain
S’il avait déjà adapté, plus ou moins librement, des classiques de la littérature d’horreur (Maison hantée de Shirley Jackson et Le Tour d’écrou d’Henry James servaient de canevas à The Hauting), Flanagan s’attaque ici à un mythe d’un autre tonneau : La Chute de la maison Usher, nouvelle archi-culte d’Edgar Allan Poe, maintes fois adaptée à l’écran, notamment par Jean Epstein (dès 1928) et Roger Corman (en 1960).
Fidèle à lui-même, Flanagan actualise l’intrigue originale et la gonfle sensiblement : la malédiction qui s’abat sur la famille Usher prend des accents shakespeariens avec l’histoire de Roderick Usher (Bruce Greenwood, impeccable), patriarche de la famille et PDG de l’entreprise pharmaceutique Fortunato, confronté aux morts successives (et nimbées de mystères) de ses six enfants et héritier·ères. Voyant la mort rôder, Roderick, inquiet pour la santé de sa sœur jumelle Madeline (Mary McDonnell en matriarche placide), invite un vieil “ami” (par ailleurs enquêteur opiniâtre sur les dérives de Fortunato) pour faire ses aveux, et tenter de s’expliquer la malédiction qui frappe sa descendance.
Chaque épisode est ainsi consacré aux circonstances ayant entraîné la mort d’un des enfants, ramassis d’héritier·ères égotiques pour la plupart imbuvables, ourdissant des stratagèmes brumeux pour se tailler une part de la fortune familiale. Si le résultat a ses fulgurances (visions horrifiques saisissantes dont Flanagan à le secret), il pourrait déstabiliser les spectateur·ices familier·ères du Flanaverse, qui nous avait habitué à des personnages souvent fragiles, parfois “border”, en quête de rachat ou bien de rédemption, mais dont on percevait l’amour inconditionnel que leur portait leur créateur.
On prend les mêmes… mais pas exactement
En croisant son habituel style néo-gothique à un ersatz de Succession, l’écriture autant que la mise en scène de Flanagan se parent d’une causticité qu’on lui ignorait, voire d’un cynisme un peu fabriqué. Les morts invraisemblables de chacun des enfants (une teuf ultra-select dans une usine désaffectée qui vire au cauchemar, un chat qui se transforme en bourreau…) frôlent parfois la parodie, et la terreur s’étiole quelque peu, pour avoisiner le rire grinçant.
On pourra aussi reprocher à La Chute de la maison Usher un recours systématique aux jumpscares (là où les précédentes séries savaient instiller l’effroi plus subtilement) et un empilement de sujets parfois indigestes : outre la guerre larvée que se livrent des héritier·ères aux dents longues, et la malédiction qui plane sur elleux, la série s’attaque à l’effroyable crise des opiacés qui gangrène les États-Unis, mais, ici encore, avec un cynisme un peu déconcertant.
Reste l’inimitable style de Flanagan, passé maître dans les histoires fantômes qui parlent surtout des vivant·es, de leurs blessures et de leurs culpabilités, de leur impossible quête de rédemption. Et cette galaxie d’acteur·ices qu’on est heureux·ses de retrouver chaque automne : Carla Gugino, Henry Thomas, Kate Siegel ou encore Zach Gilford (pour ne citer qu’elleux), et un nouveau venu dans le Flanaverse en la personne de Mark Hamill, en consigliere de la famille Usher, savoureux bien qu’à la limite du cabotinage.
Même avec ses défauts, La Chute de la maison Usher reste largement au-dessus de la mêlée, dans le paysage un peu moribond de la série horrifique.
La Chute de la maison Usher, disponible sur Netflix.
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