Dans son documentaire façon road movie, le cinéaste devient chauffeur des victimes de la guerre, de l’Ukraine à la Pologne. Poignant.
Un minivan roule sur les routes ukrainiennes et récupère à son bord les civil·es prenant la fuite depuis le début de l’invasion russe. Conducteur et réalisateur grâce à une caméra qui, comme attachée au rétroviseur central, fait corps avec le véhicule, le Polonais Maciek Hamela réactive le dispositif de Ten d’Abbas Kiarostami, puis de Taxi Téhéran de Jafar Panahi, de la voiture-caméra comme poste d’observation d’une société. Dans un habitacle qui devient aussi bien radeau de sauvetage que confessionnal, les passager·ères et les paroles s’accumulent, donnant à voir une mosaïque très dense de témoignages.
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Là où la guerre au cinéma a souvent été racontée par les sentiments et les parcours psychologiques, la caméra de Hamela nous ramène au matérialisme le plus strict : à la périphérie des zones d’affrontement et de bombardement, l’expérience majoritaire est l’évacuation massive puis l’exode de ces civil·es. Il faut prendre la route le plus vite possible et regarder, encore hébété·es, dans le rétroviseur, la vie qu’on vient de quitter.
Comment la guerre reconfigure l’imaginaire
En direction de la Pologne, le minivan enchaîne les checkpoints, évite les mines, contourne les ponts détruits. Par-delà le constat implacable du chaos, élagué de toute emphase héroïque ou de spectacularisation du conflit, le film montre à quel point la guerre reconfigure l’imaginaire de celles et ceux qui la subissent. Comment elle confisque toute innocence et jette sans sommation vers le réel. C’est une enfant plongée dans le silence, le bourdonnement des bombes qui résonne encore dans sa tête, ou une autre jouant à une version remaniée de pierre-feuille-ciseaux, une arme à feu ayant subtilisé la place de la lame. La guerre aura même flingué le jeu de récré le plus inoffensif.
Pierre feuille pistolet de Maciek Hamela (Pol., Fr., Ukr., 2023, 1 h 25). En salle le 8 novembre.
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