Roman et récit français, roman et récit étranger, premier roman, essai et bande dessinée : les gagnant·es des cinq catégories de cette quatrième édition…
Il s’agit déjà de la quatrième édition de notre prix, et cette année nous avons été guidé·es dans notre choix, autant sinon plus que les précédentes, par l’enjeu que nous nous sommes fixé dès le début. Mettre en valeur un texte hors normes, ambitieux, audacieux, accompagner l’émergence d’une voix unique. Lire et débattre avec Lola Lafon, présidente cette année de notre jury (puisque lauréate l’an dernier pour Quand tu écouteras cette chanson, chez Stock), a participé de cette exigence littéraire, ce goût pour l’audace et le contemporain.
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Neige Sinno pour “roman ou récit français”
Après Lola, mais aussi Constance Debré et Éric Reinhardt, Christine Angot, c’est Triste Tigre (P.O.L) de Neige Sinno qui remporte notre prix dans la catégorie “roman ou récit français”. Parce que son texte nous a tous et toutes sidéré·es : entre récit et essai, Triste Tigre raconte les viols qu’elle a subis de 7 à 14 ans dans sa famille, en même temps qu’il en analyse toutes les facettes, de ce qui se passe dans la tête du bourreau à la façon dont cela a façonné la psyché de l’enfant puis de la femme pour le reste de sa vie. Une intelligence et une écriture d’une maîtrise inouïe, un hybride entre Christine Angot et Maggie Nelson, le choc de cette rentrée.
Cristina Rivera Garza pour “roman ou récit étranger”
Nous avons choisi de remettre notre prix dans la catégorie “roman ou récit étranger” à une autre grande découverte de la rentrée : la Mexicaine Cristina Rivera Garza pour L’Invincible Été de Liliana (Globe). Autrice déjà très remarquée en Amérique du Nord (son portrait est paru dans le New Yorker) et du Sud, Garza s’est replongée dans l’enquête sur le meurtre de sa sœur par son compagnon. On est au Mexique, pays où le féminicide semble être devenu un sport comme un autre et où les meurtres de femmes sont classés sans suite. Garza participe ainsi de l’explosion de la narrative non-fiction menée par des autrices hispanophones, que nous avons voulu souligner. Son texte, tenu, fort, novateur dans sa forme, lui aussi sidérant, mérite d’être lu et relu.
Élise Goldberg pour “premier roman”
Dans la catégorie “premier roman”, le prix est attribué à Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie d’Élise Goldberg (Verdier). Ici encore, il s’agit de la naissance d’une voix unique, d’un parti pris fort. Avec un certain culot, Goldberg part de la cuisine (ashkénaze) pour interroger ce qui reste de la mémoire, d’une langue (le yiddish), d’une culture. Son choix formel est radical : composée de fragments façon puzzle, cette très belle Carpe entend rassembler et conserver tous les éclats des vies bouleversées des générations précédentes et présentes. Dans les ellipses, on lit bien sûr la Shoah. Dans les pleins, un certain sens de l’absurde, une mélancolie teintée de drôlerie.
Tal Madesta et Reiner Stach pour “essai”
Dans la catégorie “essai”, comme il nous a été impossible de choisir entre deux textes aussi bluffants l’un que l’autre bien que radicalement différents, nous avons exceptionnellement décidé de récompenser deux ex aequo : La Fin des monstres de Tal Madesta (La Déferlante) et le premier volume de la biographie de Franz Kafka, Kafka – Le temps des décisions de Reiner Stach (Le Cherche Midi).
Le premier, dont c’est le deuxième livre, signe un livre hybride comme on les aime, un essai basé sur son expérience, le récit de sa vie, pour aborder la condition trans dans nos sociétés – un texte brillant, étayé, émouvant, juste, à opposer en tout point aux transphobes et autres Terf.
Quant au second, nous avons voulu saluer le travail colossal accompli autour de la vie et de l’œuvre de l’énigmatique auteur de La Métamorphose, et un livre sensible, vivant, hyper-incarné, d’une finesse inouïe qui traverse toute l’histoire culturelle et artistique de la première moitié du XXe siècle, et qui se dévore comme un très grand roman.
Nine Antico pour “BD”
Enfin, notre prix de la bande dessinée va au magnifique Madones et Putains de Nine Antico (Dupuis), ou la vie de trois femmes – portant toutes des noms de saintes – dans l’Italie patriarcale du XXe siècle. Un dessin au noir et blanc aussi gothique que lumineux, fascinant, envoûtant, au montage évitant tout classicisme, et un propos politique sans avoir besoin d’appuyer. Nine Antico s’impose comme l’une des plus grandes autrices de BD aujourd’hui et elle méritait un prix.
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