Chemise rayée ou T-shirt blanc, pantalon à pinces ou jeans : les vêtements les plus ordinaires ont été revisités par les créateur·rices durant la Fashion Week parisienne.
Pantalon, blazer et chemise Oxford blanche : une articulation BCBG des plus anodines, retravaillée à coups de jeux de proportions grandioses par Jonathan Anderson pour Loewe. Dans la continuité du vestiaire masculin présenté en juin, le directeur artistique dessine des pantalons à la taille si haute qu’ils recouvrent les deux tiers de la cage thoracique, ne laissant apparaître que deux boutons de micro-chemises aux poignets mousquetaires.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Sur d’autres silhouettes, les broches, symboles bourgeois, s’accumulent, formant un T-shirt parure. Les pulls d’universitaires en tricot s’épaississent et transforment le buste en Chamallow laineux, tandis que des manteaux en cuir a priori austères se métamorphosent en sacs et qu’un pan se soulève pour se porter sous l’épaule, laissant nu le bas des fesses.
Le quiet luxury, tendance 2023
Après une saison post-Covid explorant l’influence du vêtement virtuel sur le vêtement IRL avec des pièces ultra-instagrammables, tels que des impers ornés d’herbe fraîche ou des sweats aux motifs hyper-pixélisés, Jonathan Anderson ouvre un nouveau chapitre. Pour l’été 2024, il propose une tentative de réduction de la mode à une silhouette, comme il le souligne dans le communiqué de presse accompagnant le défilé. Un geste qui n’échappe pas à une dimension surréaliste, prouvant que la quête de l’essentiel n’a rien de discret.
À rebours de la tendance quiet luxury, soit un luxe faisant preuve d’une certaine retenue dans un climat de crise économique – et dont le vestiaire de la série Succession est devenu l’emblème –, Jonathan Anderson propose un post-quiet luxury en rendant la simplicité spectaculaire. C’est également le cas chez Yves Saint Laurent, où le directeur artistique Anthony Vaccarello s’est concentré sur une variation de la mythique saharienne présentée pour la première fois par la maison en 1967. Le basique en gabardine de coton se simplifie, dépourvu de laçage, mais se décline entre jour et soir, articulé à d’épais bijoux.
Pour Valentino, le designer Pierpaolo Piccioli repense la classique chemise blanche bourgeoise ou le manteau de soirée augmenté à l’aide de l’altorilievo, une technique qui consiste à assembler des broderies florales en 3D permettant un effet sculpté saisissant. Alors que les recherches pour le quiet luxury affichent en 2023 une hausse de 614 % selon Google Trends, les créateur·rices en repoussent les limites, prouvant que la scène mode parisienne reste un lieu de prescription.
Les codes underground et bourgeois exploités
Mais la tentative de dessin d’un vêtement réduit à sa pureté ne se limite pas au décorticage des pièces BCBG, synonyme d’ultime discrétion. Si le styliste japonais Junya Watanabe dissèque des vestes preppy en laine évoquant celles de la maison Chanel, il repense également les vêtements de l’univers subculturel tels que le Perfecto transformé en robe ou la longue veste drapée. Ainsi, c’est simultanément la construction des vêtements, underground et bourgeois, subculturels et de grand soir, qui est questionnée à l’ère post-dress code. Comme l’écrivait l’anthropologue Ted Polhemus dans Style Surfing, “nous vivons dans un vaste supermarché du style où les codes des haute et basse cultures se mélangent”.
“Le luxe, c’est le haut vers le bas, et ce qui est souvent perçu comme provocateur chez moi, c’est que je fais l’inverse” Demna
Glenn Martens l’illustre chez Y/Project, où il sculpte des pantalons baggy en y intégrant des feuilles de métal pour figer le mouvement ou entortille des chemises à rayures classiques jusqu’à former une sorte de robe couture. Montrer les vêtements du quotidien autrement et sans se limiter à un seul type était déjà au cœur de la marque Vetements, fondée en 2013. Parmi ce collectif se trouvait Demna, aujourd’hui directeur artistique de la maison Balenciaga.
Une décennie plus tard, il questionne toujours la construction du vêtement de tous les jours en mélangeant robe du soir et sac de courses, jupe à fleurs et pantalon cargo, codes bourgeois et populaires. Rythmée par la voix d’Isabelle Huppert lisant les instructions de fabrication d’une veste, sa collection joue des volumes et donne à voir l’inventivité du quotidien, – sa variété allant de la sneaker surdimensionnée au talon hyper-pointu. À la presse, Demna soulignait : “Le luxe, c’est le haut vers le bas, et ce qui est souvent perçu comme provocateur chez moi, c’est que je fais l’inverse.”
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}