“Le Cœur au bord des lèvres” est un portrait sensible de l’égérie des cabarets du Caire dans les années 1930, morte à 31 ans dans des circonstances troubles.
Au-delà de son talent d’actrice incontestable, par le naturel de sa présence au plateau et une grâce innée à capter la lumière sous l’objectif de la caméra, Dea Liane nous interpelle. Née en 1990 en Syrie, la jeune femme passe son adolescence entre Paris, Beyrouth et Damas. Se rêvant reporter de guerre, elle s’inscrit à Sciences-Po avant de contracter le virus du théâtre au cours d’une année de stage à Mexico. Dès son retour en France, elle intègre l’École du Théâtre national de Strasbourg, dont elle termine le cursus en 2017. Depuis, elle ne cesse d’inscrire à son carnet de bal des participations à des aventures théâtrales d’importance.
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On la découvre sous la direction de Falk Richter et Stanislas Nordey dans Je suis Fassbinder, puis dans 1993 de Julien Gosselin, avant de la retrouver dans Berlin mon garçon de Marie NDiaye par Stanislas Nordey. Travaillant sur les mélopées égyptiennes pour un rôle dans Antoine et Cléopâtre de Shakespeare monté par Célie Pauthe, elle s’éprend de la vie de légende de la chanteuse Asmahan (1912-1944), à laquelle elle consacre son premier spectacle, Le Cœur au bord des lèvres.
Sœur de la star Farid El Atrache
Fascinée par une voix qui, dans les années 1930, passait pour capable de faire de l’ombre à la divine Oum Kalthoum, Dea Liane découvre que sous le pseudonyme d’Asmahan se cache Amal El Atrache, la sœur du musicien Farid El Atrache, dont la famille était proche de la sienne à Damas durant ces années-là. Devenue en Égypte l’incarnation de la femme libre et une égérie des cabarets du Caire, Asmahan est aussi connue pour son rôle d’espionne durant la Seconde Guerre mondiale en tant que messagère des Alliés.
Le 14 juillet 1944, après une mystérieuse sortie de route, sa voiture termine sa course dans les eaux du Nil. Elle a alors 31 ans et certain·es considèrent sa mort comme un assassinat. Digne des scénarios des comédies musicales égyptiennes dont elle était l’une des stars, ce point d’orgue tragique à une destinée romanesque finit de convaincre Dea Liane qu’elle tient avec l’histoire d’Asmahan la matière d’un spectacle.
C’est dans le décor d’une loge où un journaliste interviewe Asmahan que Dea Liane et son complice le musicien Simon Sieger situent l’action du Cœur au bord des lèvres. Accompagnée au piano, à l’accordéon, au tuba ou au trombone, la comédienne interprète les succès de la diva et raconte la manière dont cette vie est entrée en écho avec la sienne. Ce mini-cabaret où le présent et le passé se mêlent dessine le paysage nostalgique d’un âge d’or du monde arabe et rappelle, comme l’écrit Dea Liane, “le temps où l’on voyait des actrices impétueuses et ironiques pétrifier les hommes d’un regard, d’une ondulation de leur ventre”.
Le Cœur au bord des lèvres de et avec Dea Liane (texte et mise en scène) et Simon Sieger (composition musicale), à la Comédie de Caen, les 22 et 23 novembre.
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