Le duel de deux immenses actrices, Jean Seberg et Deborah Kerr, dans un drame solaire et incestueux adapté du roman de Françoise Sagan.
Sorti en 1958, Bonjour tristesse fut un échec commercial pour Preminger, qui réalisait là son premier et seul film de facture française. Cette adaptation du best-seller d’un “charmant petit monstre” de 18 ans, Françoise Sagan, offrait non seulement au réalisateur de cinéma noir des côtes ensoleillées mais aussi cette représentation de la bourgeoisie typiquement française – avec sa demeure sur la Riviera, ses casinos, ses employées de maison (la confusion des prénoms un brin méprisante d’“Albertine” et “Ernestine”)…
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C’est bien pourtant dans l’intimité d’un père et de sa fille américains qu’on plonge le temps de ce drame estival. Du roman, Preminger a gommé la dimension d’apprentissage adolescent (assuré par la voix de la narratrice) pour construire un drame adulte : l’atypique relation triangulaire entre un père (David Niven), sa fille (Jean Seberg) et ses maîtresses successives (Mylène Demongeot, Deborah Kerr). Un lien toxique qui se noue entre ces trois dernières aura finalement des conséquences fatales.
Un grand mélo insolent
Tragédie moderne, Bonjour tristesse s’offre comme une fable décomplexée sur l’inceste (les petits bouche-à-bouche père/fille qui mettent encore terriblement mal à l’aise), ne pouvant que déplaire à la bonne morale hollywoodienne. Preminger dénonce cette bourgeoisie oisive et pré-antonionienne qu’il dépeint à la perfection dans un tableau faussement champêtre, saturé de couleurs cramées, presque criardes.
Il ordonne ce faisant la confrontation entre deux stars : la rousse Deborah Kerr, empoissée dans ce paysage, à la peau trop blanche et habituée aux Studios pour tout ce soleil, face à la virevoltante Jean Seberg, garçon manqué ultrasexy, égérie de Godard, femme d’un nouveau genre plutôt hérité du modèle Hepburn, qui va littéralement “mettre à mort” la première. Preminger signait ainsi un grand mélo empreint d’une insolence peut-être trop en avance sur son temps. En bonus, une interview de Jean Seberg et des archives autour du tournage.
Bonjour tristesse d’Otto Preminger, avec David Niven, Jean Seberg, Deborah Kerr (E.-U., 1958, 1 h 34), Carlotta Films, environ 20 €
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