Jeudi 12 octobre, lors du premier de ses deux concerts à l’Olympia, l’Anglaise a incarné son nouvel album “I Inside the Old Year Dying” et ses anciens morceaux avec une conviction magnétique. À couper le souffle.
Sans première partie, sans préliminaires, quatre musiciens entrent sur la scène de l’Olympia jeudi 12 octobre, suivis de près par la divinité vivante qu’ils servent humblement. PJ Harvey n’a pas cédé à l’appel du gigantisme dans sa scénographie. Quelques meubles en bois sombre, un vase où repose une branche noueuse (en écho à la pochette de son dernier album en date) et un mur lacéré de craquelures constituent l’environnement spartiate qui accompagne le groupe sur cette tournée, entamée fin septembre.
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Le concept : jouer deux concerts de suite dans une sélection de villes, dans des lieux à taille humaine, avec une setlist rigoureusement identique constituée de deux actes. À savoir, I Inside the Old Year Dying (son nouvel album, paru cet été) en entier et dans l’ordre, puis une vaste sélection de chansons tirées de son impeccable discographie qui gagnent en souplesse grâce aux quatre multi-instrumentistes qui l’accompagnent : l’ex-Gallon Drunk James Johnston et son violon ensorcelant, le Français Jean-Marc Butty et son toucher subtil à la batterie et aux percussions, le guitariste italien Giovanni Ferrario et le fidèle complice John Parish. Cette troupe expérimentée mériterait qu’on observe chacun de ses gestes, chacune de ses décisions, mais il faut bien avouer que tous les regards convergent vers la maîtresse de cérémonie, petite en stature, frêle par sa silhouette, mais immense dans son charisme et absolument époustouflante dans sa voix, plus pure et maîtrisée que jamais.
PJ Harvey a d’abord choisi de jouer intégralement I Inside the Old Year Dying et on emploie ici le verbe jouer dans le sens théâtral du terme. Loin des prestations rêches et nerveuses de ses débuts, la jeune fille du Dorset s’est métamorphosée en femme épanouie, d’une liberté folle, qui déploie toute sa gestuelle pour exprimer ce qu’elle a sur le cœur (comme sur l’intense Seem An I). Sans aucun instrument en main au départ, elle arpente la scène dans une robe crème imaginée avec le styliste Todd Lynn, longue mais audacieusement ouverte sur sa cuisse gauche. La chanteuse empoigne de temps en temps son arme de prédilection, la guitare, en version électrique ou acoustique (notamment sur la chanson-titre ou sur A Child’s Question, August). Moins faciles d’accès que d’autres pans de son répertoire, ses nouveaux morceaux sont transcendés par cet expressionnisme musical. Après A Noiseless Noise, conclusion du disque, elle s’absente brièvement pour laisser ses quatre compères se charger de The Colour of the Earth, interlude folk fervent, sur le devant de la scène.
Entre fébrilité bouleversante et maîtrise absolue
Place à l’acte II, dans lequel PJ Harvey pioche allègrement dans tous les recoins de sa carrière. Seuls The Hope Six Demolition Project et Stories from the City, Stories from the Sea, pourtant merveilleux tous les deux, ne seront pas représentés cette fois. Peu importe. Les morceaux qu’elle a sélectionnés nous comblent amplement. Elle commence par deux extraits de Let England Shake, The Glorious Land et The Words That Maketh Murder (qui lui donne l’occasion de sortir son autoharpe), qui s’inscrivent clairement dans la continuité de ce qu’elle compose aujourd’hui, autant dans leurs arrangements que dans cette façon de chanter plutôt dans les aigus. On a aussi beaucoup de plaisir à retrouver sa voix grave, notamment sur deux chansons tirées d’Is This Desire?, Angelene et The Garden, toujours aussi pertinentes et foudroyantes vingt-cinq ans après leur sortie, ou sur The Desperate Kingdom of Love, qu’elle sublime en solo à la guitare. On se réjouit de voir l’artiste se retransformer en sauvageonne rock sur les cinglants Dress et Man-Size, d’une sensualité troublante.
Le coup de grâce arrive dès les premières notes de guitare ténébreuse qui ouvrent To Bring You My Love et nous atteignent d’emblée en plein dans les tripes. Il faut la voir, regard vert transperçant, lèvres gonflées de venin, mèches ébouriffées, entre fébrilité bouleversante et maîtrise absolue, pour comprendre qu’elle n’a pas d’égal·e dans la scène musicale actuelle. S’il fallait choisir un·e seul·e artiste à voir en concert cette année, un seul morceau à entendre en live, ce serait ce moment précis. En rappel, le bien aimé C’mon Billy et White Chalk se chargent de nous achever et de nous escorter dans la nuit parisienne. À guichets fermés, la troupe mixte reprendra le même spectacle ce soir. Le public peut s’attendre à un spectacle monumental, qui restera longtemps dans les mémoires.
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