Comment “The Creator”, film de SF signé Gareth Edwards, change la donne.
Il a été dit à quel point The Creator de Gareth Edwards, bon blockbuster d’artisan hollywoodien comme on n’en voit pas assez, pourrait être ce qu’on appelle un game changer dans la production d’effets spéciaux au cinéma. Le film délaisse en effet les désormais classiques fonds verts des studios pour préférer la plupart du temps un tournage en décors naturels, ce qui rend le film beaucoup plus charnel et vivant.
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Et pourtant, ce qui nous a un peu déçu dans The Creator, c’est qu’Edwards se laisse aller sur la pente du film de guerre au détriment de celle du film de SF, pas assez approfondi. Ce qui est bien dommage car son récit d’anticipation a un potentiel non exploité immense. Le véritable changement de paradigme qu’il incarne se situe pour nous non pas au niveau des effets spéciaux, mais dans la façon dont le film traite de l’intelligence artificielle.
Humain-machine, maître-outil, chair-métal
Jusqu’à présent, les IA ont été en très grande majorité mises en scène en tant qu’ennemies de l’humanité, endossant les habits du mal à tendance génocidaire (la saga Matrix, I, Robot, 2001, l’Odyssée de l’espace, Avengers : l’ère d’Ultron et dernièrement Me3gan et Mission Impossible – Dead Reckoning). Dans le genre dystopique, la série Black Mirror en a aussi remis une (épaisse) couche dans le premier épisode de sa sixième saison sorti au début de l’été, intitulé Joan is Awful. Si Spielberg et James Cameron nous en donnent dans A.I. Intelligence artificielle et Terminator des visions plus nuancées, on n’est jamais vraiment sorti de la distinction humain-machine, maître-outil, chair-métal.
Et pourtant, Alphie (prénom, pas choisi au hasard, de la petite fille de métal de The Creator) a des ancêtres de cinéma qu’on identifie assez facilement : sa grand-mère est Motoko Kusanagi de Ghost in the Shell, ses mères sont les personnages de Dolores dans la série Westworld et de Samantha dans Her de Spike Jonze. Mais elle incarne quelque chose de plus, en plus.
On se souviendra
Déjà, elle évolue dans un monde où le pôle du mal est du côté de l’Occident et de l’humanité (là encore le film change de camp et prend le parti de l’Extrême-Orient), un monde où les robots sont égaux aux humains, sans distinction aucune. L’image la plus frappante de The Creator arrive en plein cœur du film. On y voit au détour d’une scène une cérémonie de crémation d’un androïde au cours de laquelle prient de concert humains et robots. L’image a quelque chose de glaçant et de fascinant à la fois. Elle fait vaciller quelque chose en nous. On se souviendra peut-être de The Creator comme du premier film machiniste.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 11 octobre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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