Deux artistes brésiliens s’unissent au joueur de kora malien Toumani Diabaté sur le projet A Curva Da Cintura : un grand disque transatlantique. Critique.
« La musique vous fait bouger/ Vous faites bouger quelqu’un/ Cette personne en fait bouger une autre/Qui vous fait bouger à son tour…” L’effet domino décrit par Arnaldo Antunes sur les paroles de la chanson Kaira résume l’état d’esprit et les circonstances qui ont conduit ce chanteur brésilien et son compatriote guitariste Edgard Scandurra à se rendre l’an dernier à Bamako pour enregistrer avec l’as de la kora Toumani Diabaté. Ils avaient fait connaissance quelques mois plus tôt au Brésil, lors du festival Back2Black de Rio, dont l’idée est précisément de réunir musiciens brésiliens et africains.
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Ambassadeur tout-terrain de la musique mandingue, Toumani Diabaté a prouvé, grâce à ses collaborations passées avec Damon Albarn, Björk, M ou le collectif Afrocubism, qu’il était rompu à ce type d’exercices. Rien ne prédisposait en revanche le poète Antunes (principalement connu en dehors du Brésil pour sa participation au projet Tribalistas, avec Marisa Monte et Carlinhos Brown) et le guitar hero Scandurra à creuser le filon malien. Complices de longue date, ces figures iconoclastes de la scène rock de São Paulo, qui naviguent depuis les années 80 entre avant-garde et MPB (música popular brasileira), étaient sur le point d’enregistrer un disque en duo quand il furent touchés par la grâce des vingt et une cordes du célèbre griot.
“Dès la première répétition, une connexion magique s’est établie entre la kora et les guitares. Le son unique de ce dialogue renforçait la dimension onirique à laquelle Edgard et moi aspirons”, explique Arnaldo Antunes. “Ils étaient déjà très avancés dans leur démarche quand on s’est rencontrés, rappelle Toumani Diabaté. Quand ils m’ont proposé de participer, je les ai invités à venir à Bamako pour imprimer une ambiance malienne à ce disque, pour que le mélange devienne aussi un échange.”
Le tandem brésilien le prend au mot et s’offre un bain d’hospitalité et de culture mandingues de deux semaines, tout en cédant au maître des lieux la codirection artistique de l’enregistrement. Plusieurs membres du Symmetric Orchestra de Toumani Diabaté vont prendre part aux sessions, pour assurer un partage équitable de sonorités. Mais c’est surtout son rejeton Sidiki qui se taille la part du lion avec sa kora électrifiée sur la moitié des morceaux. “On savait en allant là-bas que les chansons douces fonctionnaient parfaitement avec Toumani, explique Scandurra, mais c’était moins évident pour les titres les plus agressifs. C’est alors qu’il nous a proposé de faire jouer ces morceaux par son fils, qui utilise une pédale wah-wah sur sa kora. C’était la balance parfaite à mes propres effets de distorsion.” De ballades sensuelles et mélancoliques (Coração de mãe) en échappées rock teigneuses (Um senhor), un merveilleux grain de folie se dégage de cette expérience afro-pop, qui exploite de multiples façons le contraste entre le chant incantatoire d’Antunes et le jeu entrelacé des cordes virtuoses de ses instrumentistes.
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