Vous avez certainement déjà croisé son visage au coin d’une rue à Paris : les portraits de John Hamon s’y affichent de manière épisodique et massive depuis le début des années 2000. Mais qui est-il, et qu’entend-il démontrer ? Nous lui avons posé toutes les questions que son étrange omniprésence nous inspirait.
Depuis le début des années 2000, vous affichez un portrait de vous en noir et blanc (tiré d’une photo en couleurs) dans les rues de Paris et à travers le monde. Comment avez-vous eu cette idée ?
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John Hamon – Je souhaitais mettre en place une campagne d’affichage afin de me promouvoir comme artiste. L’idée d’utiliser mon portrait photocopié me semblait la plus adaptée pour me représenter massivement.
De cette manière, vous semblez signaler votre passage : est-ce une manière de vous approprier l’espace public ?
Oui cela peut évoquer le signalement ou l’appropriation mais chaque affiche est surtout une trace qui me représente et me promeut pour un temps aléatoire, allant de quelques heures à plusieurs années selon des paramètres qui me dépassent. Cet aspect éphémère de ma démarche m’incite à réaliser le plus souvent possible une photographie afin de prolonger mon intention et de témoigner d’une certaine forme d’esthétique que j’attache au geste et aux lieux des actions.
Cette démarche rappelle celle du street-artist Space Invader : vous a-t-il inspiré ?
Non, j’ai découvert son travail sur les murs en commençant ma campagne. A cette époque il était beaucoup moins présent et nous étions les seuls à intervenir artistiquement sur les murs en dehors des graffiteurs. C’est surtout l’aspect contaminant et répétitif du graffiti et les méthodes de l’affichage électoral qui m’ont inspiré. Je suis en quelque sorte la rencontre entre un tagueur et un homme politique.
Vous avez collé votre portrait sur un nombre impressionnant de supports : panneaux publicitaires, touristiques ou de signalisation, emplacements réservés aux affiches électorales, paysages même… Qu’entendez-vous susciter comme réflexion ou comme réaction chez les passants qui remarquent votre affiche ?
Toutes les réactions ou les interprétations m’intéressent ou peuvent même parfois m’amuser mais elles ne sont pas l’objet de ce travail car je cherche avant tout, comme en publicité, à imposer un message.
Vous est-il déjà arrivé d’observer les passants et leurs réactions face à l’une de vos affiches ?
Oui parfois par hasard. Il m’est arrivé d’être étonné par un enfant qui demandait à ses parents qui était sur cette affiche et dans une autre situation par quelqu’un qui prétendait que le portrait était celui de l’un de ses amis.
D’habitude, quand un portrait est affiché en ville, c’est pour faire la promotion d’une marque ou d’une personnalité politique par exemple. Ici, de qui ou de quoi faites-vous la promotion ?
Cette campagne d’affichage sert avant tout ma promotion en tant qu’artiste car c’est cette dernière qui est au centre de ma démarche et de mes réflexions sur l’art. Je considère en effet que chaque production artistique promeut son auteur et je mets volontairement en avant cet aspect dans mon travail.
Votre site internet est placé sous ce slogan : « C’est la promotion qui fait l’artiste, ou le degré zéro de l’art ». Pouvez-vous l’expliquer ?
Je considère le degré zéro de l’art comme un état entre l’art et la vie, une forme d’équilibre entre ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas, ou le zéro entre le –1 et le +1. Je suis aussi convaincu que c’est par la promotion que cela devient possible et par conséquent qu’elle fait l’artiste.
Cette phrase fonctionne aussi comme une formule qui prend en compte plusieurs potentialités à la manière d’un raisonnement de la mécanique quantique. Cela me permet d’intégrer les différentes formes de compréhension de ce message au message lui-même. En effet peu importe ce que vous comprenez de celui-ci, cela correspondra en partie à l’idée que j’ai formulée.
Depuis des années vous utilisez la même photo de vous : de quand date-t-elle et pourquoi avoir choisi celle-ci ?
Ce cliché date de l’an 2000 ; j’étais alors âgé de 18 ans. Elle n’a pas été prise pour ce travail car il s’agit d’une photographie d’identité réalisée dans le cadre scolaire et sur laquelle notre classe entière s’est amusée à mettre les lunettes de l’un de nos amis. Quand on me l’a remise, elle m’a étrangement intéressé et c’est un peu plus tard que j’ai décidé de l’utiliser.
Ce ne serait pas un peu votre « portrait de Dorian Gray », en quelque sorte ?
Cette comparaison avec le portrait de Dorian Gray est intéressante car il représente notre plus grande peur, à savoir la disparition, notamment auprès des artistes. C’est pourquoi je m’efforce dans un élan d’orgueil face à la vie de laisser quelques traces afin que subsiste éventuellement une partie de mon étant symbolisé par cette image.
Par certains aspects, vos affiches rappellent aussi les portraits sérigraphiés d’Andy Warhol (ceux de Mao par exemple). Vous a-t-il influencé ?
Mes photocopies sont à ses sérigraphies ce que la promotion est à la célébrité. Sans strass ni paillettes. Car de mon point de vue, quand je dis que ma promotion comme artiste est ma démarche artistique, je considère cette position plus claire et plus avancée. Mais il est évident qu’il fallait un individu extraordinaire comme Andy Warhol pour que les idées avancent et que je puisse faire ce raisonnement et qu’ainsi je commette cette déclaration. Je m’inscris en effet dans des histoires de l’art. La communication et le jeu qui peuvent s’établir à travers les âges entre des artistes de différentes générations m’intéressent et m’amusent beaucoup.
Cette année, votre affiche comporte votre pseudonyme ‘Nojnoma’, et vous avez fait votre apparition sur les réseaux sociaux (il me semble). Pourquoi ?
Oui, j’ai décidé de mettre un nom sur la nouvelle affiche que je diffuse actuellement, ce qui me permet entre autres d’être présent sur internet. Les réseaux sociaux sont des outils de promotion et il est évident que cet aspect m’intéresse. J’ai donc décidé de tester ce potentiel mais je ne veux pas jouer le jeu de ces multinationales qui exploitent et monétisent notre activité sur leurs plateformes ; j’ai donc simplement décidé d’être sur ces sites sans pour autant y publier le moindre contenu.
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