Pour les 10 ans de Cheek, une personnalité féministe revient chaque jour sur sa décennie. Aujourd’hui, Bibia Pavard.
Historienne spécialisée en histoire contemporaine et en histoire des féminismes, Bibia Pavard, également chercheuse et maîtresse de conférences à l’Institut Français de Presse, s’intéresse particulièrement à l’histoire des mobilisations féministes. Pour Cheek, elle est revenue sur la façon dont elle a vécu la décennie féministe qui vient de s’écouler.
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Quelles avancées féministes t’ont le plus marquée?
C’est toujours difficile pour une historienne de parler d’avancée car cela donne l’impression d’une évolution linéaire sans accrocs et sans résistance. Pour moi, ce qui a le plus marqué les 10 dernières années, c’est le retour des féministes dans l’espace public: la rue avec les grandes manifestations et les collages, le web avec les hashtags, les podcasts, les newsletters, etc. Mais aussi les médias, les arts et la culture par exemple.
Et quels reculs?
Ce qui m’a frappée c’est le retour en arrière sur l’avortement aux États-Unis qui montre bien la révérsibilité des acquis des luttes féministes.
Quel est ton / tes film·s féministe(s) de la décennie?
Ce n’est pas facile de choisir et c’est réjouissant! Évidemment je vais opter pour un film en rapport avec l’histoire: Annie Colère de Blandine Lenoir qui à mon sens rend très bien compte de l’esprit militant des années 1970 autour du corps et de l’autonomie des femmes. En ce qui concerne les documentaires, je trouve que We are coming de Nina Faure rend bien compte de la décennie écoulée justement!
Et ton / tes livres féministe(s) de la décennie?
Encore plus difficile de choisir étant donné la florissante activité éditoriale de la décennie! Entre les romans d’écrivaines, la réédition de textes fondateurs, la publication d’ouvrages d’histoire, de philosophie, de sociologie et les essais, il n’est pas simple d’opérer un classement. Ce qui m’a marquée justement, c’est la dimension pléthorique. Je dirais quand même des livres qui ont choisi de dénoncer des situations de violence ou d’invisibilisation comme Le Consentement de Vanessa Springora, La Familia grande de Camille Kouchner, Impunité d’Hélène Devynck ou Le Génie Lesbien d’Alice Coffin car ils ont permis des débats sur la scène publique.
Quelles personnalités féministes t’ont le plus inspirée?
J’ai été marquée par les créatrices/animatrices de podcast, par leur capacité à s’emparer de ce nouvel outil pour poser des questions importantes, mettre en valeur des personnalités engagées et vulgariser le travail de recherche sur les femmes, le genre et les féminismes.
Pour toi, quel est le mot de cette décennie féministe?
Là, sans hésitation , #MeToo.
Quels sont les défis féministes à relever ces 10 prochaines années?
Toujours difficile pour une historienne de parler de l’avenir! Mais je dirais que dans l’histoire, ce qui a menacé les acquis des mouvements féministes, ce sont principalement les politiques d’extrême droite et les dictatures. La montée des extrêmes me semble donc un enjeu de taille. Et évidemment un deuxième enjeu majeur est l’écologie et son articulation avec les luttes sociales, notamment féministes.
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