Dans “Viver Mal” et “Mal Viver”, gérantes et client·es d’un hôtel décrépit nouent leurs drames familiaux en miroir.
Le temps de quelques jours dans un hôtel de la côte Nord du Portugal, João Canijo se fait le cinéaste de l’anxiété, celui pour qui l’amour est une agonie. Viver Mal et Mal Viver sont deux miroirs qui seréfléchissent l’un dans l’autre. Le premier se tient du côté des gérantes de l’hôtel, où grand-mère, mère et fille se déchirent dans les coulisses de l’établissement. Le second se place du point de vue des client·es, articulé en trois chapitres pour autant d’explorations des intimités. Une réplique revient à plusieurs reprises dans les deux films : “Tout est si dur.”
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Il y a, chez tous les personnages, un abattement généralisé, un profond mal-être qui fait des ravages auprès de celles et ceux qu’ils aiment. “Tu sais comment je sais que j’aime quelqu’un ? Quand je le tue. Dans ma tête.” Le diptyque est possiblement cela, une suite de meurtres que l’on commet en secret, dans un hôtel telle une grande coulisse du monde et qui participe à un processus d’isolation.
Faire bonne figure coûte que coûte
Gigantesque lieu décrépit, filmé comme un tiroir à mille fonds, il est le théâtre de bribes de conversation dérobées, fait de corps et de mots camouflés à dénicher. À l’abri des regards, au détour d’un couloir ou d’un escalier, les êtres surgissent et s’évanouissent, se figent et espionnent les vacillations intimes de chacun·e.
C’est dans un chuchotement généralisé que tout le monde se déchiquette, dégustation de mets et vins à la clé. Cet attachement à faire bonne figure coûte que coûte est singulièrement éreintant à observer, car tout est copieusement empêché ou fondu dans de longs tunnels de reproches – le sexe, la bouffe, les émotions. Si les deux films s’étirent de manière éprouvante, c’est parce qu’ils répètent inlassablement à quel point on peut regarder les gens qu’on aime avec le plus infini des chagrins.
Viver Mal de João Canijo, avec Nuno Lopes, Filipa Areosa, Leonor Silveira (Port., Fr., 2023, 2 h 04). En salle le 11 octobre.
Mal Viver de João Canijo, avec Anabela Moreira, Rita Blanco, Madalena Almeida (Port., Fr., 2023, 2 h 07). En salle le 11 octobre.
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