Champions français du scratch ludique et gymnaste, les virtuoses de C2C s’ouvrent à une écriture plus funky, voire pop. Critique et écoute.
Au commencement était le scratch, tour de magie musico-technique qui devait accoucher d’un genre – la scratch music, soit des disques composés à la force des poignets avec les vinyles des autres. Ancrés dans cette tradition déviante, les quatre DJ de C2C (ex-Coup 2 Cross) en conservent les manières mais regardent ailleurs : Tetra n’est pas un disque de scratcheurs mais l’oeuvre baroque de lascars passés des championnats de scratch aux studios d’enregistrement. Un “entre-deux-mondes” qui fait le sel du disque.
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Contrairement aux “originators” Qbert ou D-Styles, C2C n’utilise en effet quasiment aucune source préexistante mais enregistre ses propres gisements instrumentaux – basses, claviers… – avant de les caler sur les platines pour un nouveau traitement. De cette marmite hybride, au carrefour des obsessions electro-rock de Beat Torrent (Pfel et Atom) et des manières pop-rap d’Hocus Pocus (Greem et 20Syl), le crew tire un hip-hop funky aux sonorités acidulées, collant la chaleur organique de ces instruments sous perfusion electro pour épuiser les dance-floors – quitte à surcharger parfois son mix de breaks et hoquets inopinés.
Un alliage d’ancien et de moderne que le scratch, omniprésent, rend mouvant, versatile, rétrofuturiste (Happy évoque un charleston daté, tailladé de scratches, d’accordéons baisés, de pianos fouettés). Afin de faire kiffer les Japonaises fluo qui peuplent la pochette, les vocalises bigarrées d’Olivier Daysoul et Jay-Jay Johanson ou les rappeurs Pigeon John ou Blitz étreignent ces ambiances où cohabitent des citations rap, soul, rock, jazz, jungle, electro…
Pour le puriste, un patchwork dont on maîtrise les sources a moins de panache que celui, plus spontané, qui arrache ses notes chez les autres, mais la réussite de Tetra est ailleurs : l’arbre magique des C2C semble une collusion entre patrimoine et technique. Comme en atteste en négatif le fade Genius qui, précisément, verse dans une composition trop classique, Tetra détonne parce que sa construction procède d’un savoir-faire spécifique, qu’elle porte le stigmate d’une culture de DJ, de cratedigger aux oreilles immenses, convoquant érudition musicale, science du zapping et conception épileptique de la composition et de l’arrangement.
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