Chaque semaine, le meilleur des expos art contemporain à Paris et en province.
« Journal d’un travailleur métèque du futur »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Archipélique, cette expo l’est au moins pour deux raisons. D’abord, parce la référence à Edouard Glissant, penseur de la créolisation et des identités parcellaires, est présente chez les cinq artistes – qu’elle y soit explicite ou spectrale. Ensuite, parce sa forme relève du « scénario plastique », soit une dérive fictionnelle qui propose de naviguer à vue entre les différents ilôts-oeuvres. Installée depuis plusieurs années au Mexique, la commissaire de l’exposition Dorothée Dupuis propose d’incarner dans un terreau géographique spécifique, le continent Américain, des questions universelles de culture, d’appartenance et d’origine. Pour la plupart d’entre nous, les artistes, Adriana Minolti, Ximena Garrido-Lecca, Fernando Palma Rodriguez et Gala Porras Kim, constitueront donc une découverte totale, tandis que le français Julien Creuzet, récemment vu à la galerie Dohyang Lee à Paris ou au FRAC Normandie à Caen, se chargera d’ancrer le récit dans un contexte plus local – local, mais qui scrute l’horizon au loin.
« Journal d’un travailleur métèque du futur » (cur. Dorothée Dupuis), jusqu’au 29 janvier au FRAC des Pays de la Loire à Carquefou
Jean-Luc Moulène
Il y a le photographe des putains d’Amsterdam (Les filles d’Amsterdam, 2003-2004) et l’archiviste des soulèvements (Objets de grève, 1999). Voilà du moins deux des aspects les plus connus du travail de Jean-Luc Moulène, l’un des artistes contemporains français les plus innovants de sa génération. Le versant sculptural de sa pratique, en revanche, on le connaît moins. Peut-être parce qu’il est le plus dense, et que quiconque s’est retrouvé face à ses assemblages hétéroclites, ou encore ses formes vectorielles ultralisses, en est forcément ressorti destabilisé. Refusant le spectateur, ces objets sont comme retirés en eux-mêmes : un peu arrogants dans leur perfection, ils font mine de s’offrir aux sens mais résistent au besoin d’en faire sens. Ambiguës, les interprétations glissent sur elles comme sur une savonnette : on y retrouvera alors, au choix, la sexualité métaphorique ou la réflexion sur la production dématérialisée – les putains ou les grévistes. Alors que la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou reste ouverte jusqu’à février, un second volet plus intimiste vernit ce weekend à la galerie parisienne de l’artiste.
« Jean-Luc Moulène », jusqu’au 20 février au Centre Pompidou et « Ce fut une belle journée » de Jean-Luc Moulène, jusqu’au 11 février à la galerie Chantal Crousel à Paris
Laurent Montaron
Il serait trop facile de dire que quelque chose ne tourne pas rond chez Montaron. Trop facile, et erroné, puisque c’est du contraire qu’il est question dans l’œuvre du plasticien, qui s’interroge précisément sur les techniques d’enregistrement du son et de l’image. Cette mécanique bien huilée de filtrage du réel, son « encodage » et de son « décodage », pour reprendre le titre du fameux article consacré par Stuart Hall aux médias de masse, finissent souvent par se confondre avec le réel lui-même. A travers deux expos, l’une à la Fondation Ricard et l’autre à la Galerie Triple V, Laurent Montaron livre une réflexion poétique sur l’appareillage technologique du regard et le frisson de l’expérience pure.
« Dioramas » de Laurent Montaron, jusqu’au 7 janvier à la Fondation Ricard et « Laurent Montaron » jusqu’au 12 janvier à la galerie Triple V à Paris
Carlos Cruz-Diez
« Carlos Cruz-Diez est le dernier précurseur toujours en vie de l’art optico-cinétique. Bien qu’il puisse se targuer d’une descendance artistique des plus généreuses, d’Ann Veronica Janssens à Carsten Höller en passant par Olafur Eliasson, il reste quasiment inconnu en France« . Les mots sont ceux de l’historien de l’art Matthieu Poirier, commissaire à la galerie Jean-Gabriel Mitterand d’une rétrospective qui entend palier à ce défaut de visibilité. De la visibilité, pourtant, Carlos Cruz-Diez, 93 ans, en a à revendre. Installé à Paris depuis les années 1960, le vénézuélien a consacré toute sa vie à la couleur, appréhendée comme une réalité autonome et vibratoire. A travers des jeux de contrastes colorimétriques et de stries géométriques se construit une expérience perceptive détachée des contraintes de la narration ou du support. Une manière de réactiver les expériences chamaniques d’antan afin de faire surgir, par les seules ressources du visuel, « un être flottant » – c’est d’ailleurs le titre percutant de l’exposition.
« Carlos Cruz-Diez. Un être flottant » (cur. Matthieu Poirier), jusqu’au 28 janvier à la galerie Jean-Gabriel Mitterand à Paris
« Transition »
Deuxième exposition archipélique au menu cette semaine, cette fois à la capitale et en galerie, « Transition » aborde la déconstruction des réseaux d’appartenance par un autre biais. Après le continent Américain au FRAC Pays de la Loire, place à l’Afrique. A partir de la revue du même nom, le curateur Pedro Morais (ancien collaborateur des Inrocks), imagine la filiation que pourrait trouver chez les artistes contemporains ce support provocateur et déconstructeur, point de ralliement de chercheurs de d’écrivains africains depuis sa fondation en 1961 en Ouganda. Si « l’objectif de la revue était de discuter de l’Afrique à partir de l’intérieur, sans pour autant revendiquer une quelconque identité noire« , comme le rappelle en exergue le curateur, ce n’est pas la recherche d’une identité spécifique qui prévaut mais « le potentiel trans ou transitionnel des œuvres« . Plus que l’exposition sur un héritage culturel, il faut donc y voir une mise en situation de l’hybridation des genres et des catégories – aussi bien identitaires qu’ artistiques.
« Transition » (cur. Pedro Morais jusqu’au 14 janvier à la galerie Alain Gutharc à Paris
{"type":"Banniere-Basse"}