Six ans après “Process”, le prodige anglais revient nous hanter avec sa sensibilité à fleur de peau et son falsetto irréel.
N’y allons pas par quatre chemins. Process, le premier album de Sampha paru en février 2017, fut une révélation sans pareille, de ces disques qui nous laissent groggy dès la première écoute. Une odyssée envoûtante dans les arcanes et le futur de la soul, traversée par la grâce et portée par la voix, céleste et irréelle, du chanteur et producteur londonien né de parents sierra-léonais, âgé aujourd’hui de 34 ans.
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Découvert en 2007 par le producteur Kwes, qui va le connecter avec le label Young Turks par le biais d’un morceau publié sur MySpace et signé sous le pseudonyme de Kim Nova, Sampha s’est très vite retrouvé de toutes les cérémonies.
En quête d’absolu
On le retrouve aux côtés de FKA Twigs, Jessie Ware, Solange, SBTRKT ou Frank Ocean, tous et toutes ayant succombé à l’extrême élasticité de sa voix ensorcelante. Six ans après un premier album déchirant qui évoquait la disparition de ses parents, le deuil comme moteur créatif et la résilience face au poids de l’absence, Sampha annonce son successeur : Lahai. Un disque qui porte le prénom de son grand-père, qui est aussi son deuxième prénom, et sur lequel il sème les références comme autant de petits cailloux.
Des balises aussi littéraires (Jonathan Livingston le goéland, fable classique sur la conquête d’absolu que lui lisait, enfant, son frère) que musicales (les chants traditionnels d’Afrique de l’Ouest, notamment ceux du Wassoulou, région partagée entre le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire) ou personnelles (la naissance de sa fille).
L’évocation des fantômes pour mieux éclairer l’avenir
Sur Lahai, où Sampha a troqué la tristesse pour l’optimisme, sans se défaire de cette mélancolie qu’il a chevillée au corps, le prodige continue de définir les contours d’une soul braquée sur l’horizon à grands coups de rythmiques dubstep, de flow R&B, de piano minimaliste, d’embardées jazz, de pincées afrofuturistes ou d’emprunts au folk africain.
Une soul complexe et désossée, lyrique et aride, pop et expérimentale, sertie d’une production minutieuse aménagée pour que le falsetto de Sampha s’y déploie, rappant comme chantant, mélangeant sa tonalité à celles de Yaeji, Yussef Dayes ou Lisa-Kaindé Diaz du duo Ibeyi, entre autres.
Disque de confessions où Sampha triture à sa manière la notion de temps et d’espace, Lahai tisse la métaphore des origines, noue des liens entre sa jeune fille et sa mère disparue, son grand-père et lui, évoque des fantômes pour mieux éclairer l’avenir. Si Process était l’album d’un fils endeuillé par la mort de ses parents, Lahai, terrassant de beauté, est celui d’un père qui a enfin retrouvé espoir.
Lahai (Young/Wagram). Sortie le 20 octobre.
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